Nouvel épisode de notre machine à remonter le temps avec les archives INA de la télévision régionale. Partons à la découverte d'un lieu insolite de Limoges : le port du Naveix.
Le reportage de 1967 parle d'un temps déjà révolu à l'époque. Madame Lafarge, née en 1877, une habitante du quartier, évoque sa jeunesse. Des arbres entiers coupés sur le plateau de Millevaches, acheminés par le courant de la Vienne jusqu'à Limoges. "Il y avait tellement de bois que vous auriez pu marcher dessus" se souvient-elle. Au port du Naveix nommé ainsi, car les hommes qui conduisaient les bois sur la rivière s'appelaient les naveteaux.
Déjà, au Moyen Âge, la Vienne charriait du bois jusqu’à Limoges pour la construction des maisons.
Au XIXe siècle, son eau pure et les arbres de la forêt limousine ont été une aubaine pour l’essor de l’industrie de la porcelaine.
"Il fallait beaucoup de main d'œuvre pour arrêter ces billes de bois, c'était le travail des naveteaux. Ça générait une activité économique très précaire, car on était payé à la tâche. C'est ce qui donnait du travail, en particulier à la population masculine du quartier" explique Philippe Grandcoing, historien.
Ce quartier, c’est le quartier des ponts.
Un village dans la ville, les pieds dans l’eau, avec ses ruelles étroites et pentues, et surtout, avec ses habitants, les Ponticauds. Un peuple de la rivière un peu frondeur, fier, populaire et solidaire.
"Il a une très forte identité à cause des spécificités de sa population et ses activités économiques. Il est un quartier essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, populaire et surtout, par rapport aux autres quartiers, il garde un caractère rural. On voit que ça sert de sas pour les nouvelles populations. C'est-à-dire que les ruraux qui viennent s'installer en ville, souvent, s'installent dans les périphéries urbaines et particulièrement dans ces quartiers des ponts" confie Philippe Grandcoing.
"Ils s'encanaillaient bien un bon moment, mais après, ils étaient d'accord. Il y avait beaucoup de buvettes le long de la Vienne, c'était pour la fête, ça dansait dans tout le quartier" confirme Madame Lafarge.
Aujourd’hui, il n’y a plus de bois sur la Vienne. Le port de Naveix n’existe plus, l’accent des habitants du quartier a disparu. Mais, après des années d’oubli, le quartier des ponts est redevenu un lieu cher aux cœurs des habitants de Limoges.
"Il a toujours été important, mais il est plus important parce qu’aujourd'hui, il y a une appropriation collective par l'ensemble de la ville de cet espace-là, qui est un espace de loisir, un espace récréatif, une coulée verte pour l'ensemble de la population. Et ça correspond aussi à ce qu'on attend d'une ville, c'est-à-dire avoir la nature, l'eau en plein centre-ville".