Après avoir prêté serment, le président américain Donald Trump a signé une série de décrets portant notamment sur son projet économique. De la hausse des taxes douanières à la baisse des dépenses fédérales, quelles conséquences ces mesures peuvent-elles avoir en Limousin ? Illustration avec deux entreprises dans les secteurs de la porcelaine et du numérique.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Ce lundi 20 janvier, quelques heures à peine après son investiture, le nouveau chef d'État américain Donald Trump a signé une série de décrets visant à appliquer, au plus vite, son programme électoral. Depuis la Maison-Blanche, le 47ᵉ président des États-Unis a rouvert le front des guerres commerciales, en réaffirmant son amour pour le mot "tarif", convaincu que les taxes douanières représentent le meilleur moyen de résorber les déficits commerciaux du pays. Autre axe fort : la mise au pas de l'administration fédérale, sommée de réduire ses dépenses. Dans quelle mesure cette politique pourrait-elle se répercuter sur les entreprises du Limousin ayant des débouchés outre-Atlantique ? Deux entreprises locales, issues des secteurs de la porcelaine et du numérique, ont accepté de livrer leurs impressions.
Nous allons imposer des droits de douane ou obliger les Européens à acheter notre pétrole et notre gaz.
Donald Trump47e président des États-Unis
Elle constitue l'une des réformes les plus symboliques du second mandat de Donald Trump : l'augmentation des barrières douanières. Après avoir prêté serment, le président américain a confirmé sa volonté d'appliquer des taxes de 25% sur les produits en provenance du Canada et du Mexique "dès le 1ᵉʳ février".
Qu'en est-il des exportations européennes et françaises ? La zone euro - qui vend davantage de produits vers les États-Unis qu'elle n'en achète - s'avère également dans le viseur américain. "Les Européens sont durs, très durs. Ils n'achètent pas nos voitures, ni nos produits agricoles, ils n'achètent presque rien", a posé Trump. Nous allons donc régler ce problème en imposant des droits de douane ou en obligeant les Européens à acheter notre pétrole et notre gaz."
Pour l'instant, l'impact concret et immédiat sur les entreprises limousines reste difficile à quantifier. La porcelaine fait partie des secteurs qui exportent le plus : la moitié du chiffre d'affaires des porcelainiers de Limoges s'effectue à l'étranger. Pour le fabricant haut de gamme "Non sans raison", les États-Unis représentent 12% des ventes. Sa cofondatrice, Bertille Carpentier, a suivi avec attention la campagne américaine. Lors du premier mandat de Donald Trump, le caractère imprévisible et erratique du président avait parfois affecté les ventes. "Certaines annonces imprévues avaient des effets sur la bourse, sur les marchés, sur les prises de commande, notamment dans l'hôtellerie et la restauration de l'autre côté de l'Atlantique", témoigne-t-elle.
Vers une hausse des taxes sur l'art de la table ?
Actuellement, les droits de douane qui s’appliquent sur l’art de la table se situent aux alentours de 6%. Le nouveau chef d’État envisage de les placer entre 10 et 20%. Ce protectionnisme risque d'instaurer des disparités préjudiciables entre les différentes zones de chalandises. "Cet écart de prix va se ressentir entre l'Europe et les États-Unis, explique Bertille Carpentier. Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir des écarts trop importants, car aujourd'hui, le monde est ouvert et en transparence. On va devoir maîtriser ces coûts, en prendre une partie, le distributeur aussi."
Si l'avenir des exportations s'annonce incertain pour la porcelaine limousine, un élément rassure le secteur : l'inflation, notamment due à la hausse du coût de l'énergie. Au cours des quatre dernières années, les prix ont augmenté de 20%. Or, cela n'a pas handicapé les ventes outre-Atlantique. "Les Américains ont un tel niveau de vie qu'il n'y a pas eu d'impact, témoigne Bertille Carpentier. Dans le haut de gamme, on a même certains clients qui nous disent d'augmenter les prix : sinon, cela ne fait pas assez luxueux !"
Revoir notre reportage tourné en novembre 2024, lors de l'élection de Donald Trump :

Indirectement, une autre mesure prise par Donald Trump pourrait avoir des conséquences plus inattendues sur les entreprises françaises et limousines. Le chef d'État américain a officialisé la création du département de l'efficacité gouvernementale (DOGE). Dirigé par le milliardaire Elon Musk, ce service ambitionne de couper drastiquement et d'optimiser les dépenses de l'administration fédérale. Le propriétaire de X attend des agents de ce nouveau département qu'ils "démantèlent la bureaucratie gouvernementale, réduisent les réglementations excessives, les dépenses inutiles".
— Elon Musk (@elonmusk) November 13, 2024
Dans ce contexte, le ministère de l'Éducation, jugé trop dispendieux, se trouve dans le collimateur. Les entreprises limousines qui commercent avec des collectivités et des établissements publics américains pourraient en pâtir. C'est le cas de la start-up Facil'iti, située à Limoges. Cette entreprise propose des solutions "d'inclusion numérique" qui personnalisent l’affichage d’un site web ou d'une application aux besoins de confort visuel, gestuel et cognitif des internautes. Concrètement, elle adapte par exemple la lecture à certains troubles ou handicaps, comme la dyslexie.
On pourrait souffrir d'une forme de préférence nationale.
Frédéric SudraudFondateur et président de Facil'iti
"En cas de contraction des budgets publics, cela pourrait avoir effet négatif, affirme son fondateur Frédéric Sudraud. Par exemple, on est en train de travailler à la distribution de licences dans 1 600 écoles de New-York : 11% des élèves américains sont concernés par les problématiques d'inclusion, au niveau de l'apprentissage de la lecture. Si de fortes économies sont exigées dans les établissements scolaires, cela pourrait changer la donne pour nous."
À l'heure actuelle, l'entrepreneur limougeaud assure "être davantage dans l'attente que dans l'inquiétude". Il se rendra dès la semaine prochaine aux États-Unis "pour prendre la température". Sa société proposant des services immatériels, elle ne s'avère pas concernée par l'éventuelle augmentation des barrières douanières. Néanmoins, le directeur redoute "un climat général qui stigmatiserait les entreprises étrangères". "Il faudra regarder si les États, les collectivités territoriales ou les établissements scolaires ne sont pas poussés à privilégier les entreprises américaines au détriment des autres, annonce Frédéric Sudraud. On pourrait souffrir d'une forme de préférence nationale."
Donald Trump a donné pour objectif à Elon Musk d'achever ses travaux, au plus tard, le 4 juillet 2026, jour de l'indépendance américaine. Les entreprises françaises et limousines obtiendront assez vite des réponses à leurs questionnements.