Journée mondiale du bénévolat : « Le bénévole d’il y a 30 ans n’existe plus »

C’est un refrain qui revient sur toutes les lèvres des président(e)s d’association ou presque : le manque de bénévoles. Le Limousin n’échappe pas à cette réalité dégradée par la crise sanitaire. L’engagement fait moins rêver mais tout n’est pas perdu.

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« Avant le Covid, il manquait des bénévoles mais ce n’était pas aussi important qu’aujourd’hui. » Nadine Blanc est présidente de France Bénévolat Haute-Vienne. Son association fédérait 35 adhérents avant la crise sanitaire, 21 cette année. Les missions proposées sur son site sont, par effet domino, à la baisse.

Même ressenti chez les Restos du cœur en Haute-Vienne. « Nous avons 400 bénévoles, pour être bien, il en faudrait 600 », explique Catherine Billoire, la présidente. « Beaucoup de bénévoles ne sont pas revenus après les confinements. »

La cicatrice du Covid, loin d'être refermée

Derrière bénévoles, on entend les seniors : les 70 ans et plus représentaient 34 % des bénévoles en 2019, selon une enquête de l’Ifop parue en janvier. 5 ans plus tard, ce taux chute à 24 %.

La façon de penser des bénévoles a changé. J’apporte quelque chose, mais qu’est-ce que j’ai en retour ? Avant, on s’engageait pour une cause choisie, maintenant on s’engage pour ce que ça va nous rapporter : trouver du lien social, voir du monde, avoir une place dans la société

Nadine Blanc, présidente de France Bénévolat Haute-Vienne

Nicole a fait le même constat comme bénévole dans un club de gymnastique où elle a passé une quinzaine d’années : « Le Covid a fait du mal partout. Les gens se repliaient sur eux-mêmes, ils étaient plus recentrés sur la famille, les loisirs et moins les associations. »

Des départs pas vraiment compensés

Le sport amateur repose lui aussi sur le bénévolat. Le président du district de football de la Corrèze, Jean-François Bonnet, a bien senti les conséquences de la crise sanitaire : « Il a accentué les difficultés existantes, notamment celle de fidéliser. » Il doit composer avec 25 % de rotation de bénévoles chaque année. Il y a les jeunes encadrants qui partent étudier, les actifs qui n’ont plus le temps et les retraités « qui demandent à souffler et qui voudraient passer la main ». Des bénévoles restent donc parfois par dépit, avec une moindre motivation. De quoi rendre le club moins dynamique et engageant pour les nouvelles têtes qui passent.

« Les personnes les plus âgées se sont retirées du bénévolat pour se protéger et n’ont pas retrouvé le réflexe, indique la présidente de France Bénévolat Haute-Vienne. Les jeunes retraités formaient le vivier principal mais de plus en plus ils ont délaissé le bénévolat pour se consacrer à leurs petits-enfants ou à leurs loisirs.»  

« Une nouvelle vague est arrivée mais elle s’engage pour des missions ponctuelles, reprend Nadine Blanc. Exemple : le Téléthon, il n’y a pas de mal à mobiliser du monde sur un week-end. »

Le difficile renouvellement des chevaux blancs a été compensé sur le plan national car l’engagement des 25-34 % est passé de 22 à 30 % en 5 ans, selon l’Ifop. Ce chiffre inclut les associations mais également l’aide auprès des voisins ou encore l’investissement à l’école et à l’église. Mais les associations ont plus de difficultés à les conserver dans la durée « en particulier l’été et pendant les fêtes de fin d’année ».

Nous avons beau faire tout ce qu’on peut pour inciter les gens au bénévolat, on a beau multiplier les interventions… il faut reconnaître que cela ne donne pas grand-chose

Nadine Blanc, présidente de France Bénévolat Haute-Vienne

Le ressenti sur le terrain en Limousin se traduit dans l’enquête menée sur l’année 2023 par l’Ifop. En effet, 9 % des bénévoles étaient engagés chaque semaine contre 12,5 % en 2010.

Moins de bénévoles, moins d’événements, moins de vie

Cette baisse des vocations a des conséquences concrètes sur la vie citoyenne et associative. Sur le moral aussi. « Nous n’avons pas pu assurer une manifestation avec la ville de Limoges le 14 novembre pour la journée mondiale du diabète, il nous manquait 2 personnes », évoque avec amertume Nicole Thomas, la présidente d’AFD Limousin. La vie citoyenne, les liens sociaux sont les grands perdants. La solitude gagne du terrain.

Son association cherche toujours du monde. Même les bénévoles présents ont leurs contraintes et cela affecte l’organisation et les missions d’AFD Limousin. « Plusieurs personnes ont des problèmes de santé, un vit en région parisienne… »

Nicole Thomas est donc passée par JeVeuxAider.gouv.fr mais la pêche n’a pas été bonne. Sur les 3 profils recherchés, les candidats ne remplissaient pas les critères. Son association touche les gens malades. « Cela peut faire peur », concède-t-elle.

Aux Restos du cœur comme chez France Bénévolat Limousin, on n’a pas le sentiment que l’herbe est plus verte ici qu’ailleurs. Bien au contraire. Leurs autres antennes dans sont plus dynamiques dans le reste de la Nouvelle-Aquitaine. « L’engagement est clairement plus fort dans la Vienne, le département fournit plus de bénévoles. À La Rochelle aussi, le pôle est très dynamique. C’est difficile à expliquer, chaque région a sa problématique. Peut-être qu’il y a un meilleur soutien des pouvoirs publics, on y reconnaît mieux l’utilité des associations », questionne Nadine Blanc, présidente de France Bénévolat Limousin.

La réforme des retraites ne va rien arranger

Le passage à la retraite s’accompagne souvent d’un engagement associatif. Or, la réforme des retraites qui recule l’âge légal de départ de 62 à 64 ans va retarder l’arrivée des bénévoles dans le monde associatif.

Aux Restos du cœur, on mise sur les mécénats de compétence. « En clair, les entreprises laissent partir des actifs en fin de carrière avec un mi-temps. Les salariés sont payés à 80 % mais l’entreprise reçoit des subventions pour compenser. Et nous, nous avons des personnes disponibles et régulières », développe Catherine Billoire. Tout le monde est gagnant. 

La difficile question des responsabilités

L’un des freins majeurs au recrutement des bénévoles et encore plus à leur fidélisation, c’est la montée en compétence. « Les seniors sont de plus en plus difficiles à trouver et pourtant ce sont eux qui occupent les postes à responsabilité », explique la présidente de France Bénévolat Haute-Vienne.

Aux Restos du cœur comme dans le football amateur, la problématique est exactement la même. Plus on monte dans la hiérarchie, moins il y a de volontaires. « La peur d’être responsable bloque, avance Jean-François Bonnet. Et les jeunes ne se sentent pas toujours légitimes à assumer des plus grandes fonctions. »

Bonne nouvelle ! La Fédération française de football, dans une note envoyée aux districts ce mercredi 5 décembre – joli cadeau en cette journée mondiale du bénévolat – annonce la mise en place de licences volontaires. C’est-à-dire d’une licence différente pour les adhérents qui n’auront plus à engager leur responsabilité ni leur assurance personnelle dans le cadre de leur activité bénévole. Par exemple, un chauffeur de car qui transporte des enfants n’aura plus la crainte de devoir engager sa propre couverture en cas d’incident.

Changement de mentalité

La société change, les associations doivent s’adapter. Sans le dire, différents interlocuteurs racontent des modèles assez anciens. Elles doivent se repenser si elles veulent attirer du monde. Quitte à faire des concessions.

« J’ai déjà entendu : "ce jeune a des cheveux bleus, je ne le prends pas." Et 15 jours plus tard, "je suis en galère, je ne trouve personne". Ce n’est plus possible », regrette Nadine Blanc, présidente de France Bénévolat Haute-Vienne. La fédération dispense d’ailleurs des formations à destination des associations pour mieux recruter. Pour être plus ouvertes et accueillantes.

« Le bénévole d’il y a 30 ans, il n’existe plus, poursuit-elle. Faut revoir ses exigences à la baisse, faire un pas vers les nouvelles habitudes et ne pas stigmatiser les jeunes en disant qu’ils ne veulent pas faire de bénévolat. »

Une autre association, qui n’a pas souhaité être citée dans cet article, expliquait que des « bénévoles » demandaient à être défrayés. Compter ses heures, c’est loin d’être du bénévolat. Les associations doivent composer avec cette nouvelle mentalité mais surtout avec des subventions à la baisse. Le manque de moyens humains et matériels est cité comme l’une des plus grandes déceptions dans l’enquête menée par l’Ifop en 2023.

La création d’un statut de bénévole a été un temps sur la table. Mais avant le volet législatif, des solutions sont déjà sur la table pour susciter un nouvel intérêt comme les missions ponctuelles. C'est ce que propose France Bénévolat ou l’association Benenova n’est pas encore installé en Limousin mais s’implante dans les grandes villes. Ce site propose des missions aléatoires et ponctuelles dans différents domaines. Un bénévolat à la carte qui pourrait séduire un plus grand nombre. Et peut-être enrayer la lente décrue de l’engagement.

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