C'est aujourd'hui une jeune femme accomplie qui a choisi d'aider les autres en témoignant du harcèlement qu'elle a vécu pendant cinq ans, du CM1 à la 3ᵉ, près de Limoges. Rencontre. (Première publication le 22 septembre 2023).
Si aujourd'hui Oriane Normand, 19 ans, se dit fière, accomplie et entourée, elle garde encore les marques d'une enfance douloureuse, vécue sur les bancs de l'école.
Alors scolarisée près de Limoges, elle commence à subir les moqueries et les méchancetés des élèves de sa classe de CM1. "D'abord, on m'a beaucoup isolée à cause de ma couleur de peau", explique la jeune femme, métisse de peau.
Les années avançant, elle continue d'être harcelée par un groupe d'élèves jusqu'au collège. "J'étais harcelée partout, à l'école et sur les réseaux sociaux (...) Par exemple, on menaçait de m'attendre devant les portes du collège, parce que j'avais dénoncé des faits".
Des faits qu'elle n'a pu avouer que très tard, puisqu'il était difficile pour elle de mettre des mots sur les maux. Elle est restée, pendant des années, murée dans le silence, à affronter la violence du quotidien.
Un secret bien caché
Cette année-là, sa mère découvre les scarifications que sa fille a sur les bras. C'est le signal d'alerte : "Elle nous a tout caché, elle participait à la vie quotidienne normalement, c'était une enfant normale : on n'a rien vu", raconte Zimouda Normand.
S'ensuivent des rendez-vous chez le médecin, une hospitalisation douloureuse sur le plan psychologique. Oriane, poussée par ses proches, finit par parler aux responsables de son collège.
"L'établissement ne m'a pas prise au sérieux, témoigne Oriane, quand j'ai porté plainte, on m'a dit que le problème venait de moi". Malgré une plainte déposée au commissariat, l'affaire est classée sans suite. Et à sa connaissance, le collège n'a pas sanctionné ses harceleurs.
Les personnes qui m'ont harcelée n'ont pas eu de sanctions (...) Les autres n'ont jamais formulé d'excuses.
Oriane, harcelée pendant cinq ans à l'écoleà France 3 Limousin
Après un bac pro, la jeune femme ne voulait pas engager de longues études : "Aller jusqu'au bac, ça a été très compliqué pour moi (...) Aujourd'hui, je ne me vois plus jamais reprendre l'école, c'est un traumatisme pour moi", confie-t-elle.
Un problème de société
Scandalisée par la situation, Zimouda Normand a créé en 2020 l'association "Combat contre le harcèlement scolaire". "Je suis très déçue par le rectorat et l'établissement scolaire (...) Quand on allait les voir, ils ont reconnu que ma fille subissait des brimades", s'indigne-t-elle.
Zimouda Normand accompagne les parents des enfants qui subissent le harcèlement scolaire dans le département et veut financer des brochures de préventions dans les écoles. "Il ne faut pas attendre qu'on en arrive au passage à l'acte pour se mobiliser. C'est un problème de société, il faut aider ces jeunes. Il faut aider les victimes et écouter les harceleurs qui souvent rencontrent des problèmes dans leur cercle familial".
Le cas d'Oriane est loin d’être isolé. Ce sont justement ces manquements de la part des établissements qui ont été étudiés par le ministère de l'Éducation, depuis le suicide d'un lycéen de 15 ans, le 5 septembre dernier à Poissy.
Le 27 septembre, Elisabeth Borne, la Première ministre, a annoncé la mise en place de plusieurs mesures pour lutter contre le harcèlement scolaire. “Une lutte implacable” que saluent les acteurs qui œuvrent en ce sens depuis des années.
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