PORTRAIT. "Je ne suis pas étonné de notre réussite, parce qu'on travaille" : l'ascension fulgurante du jeune designer Sammy Bernoussi, originaire de Limoges

Diplômé de la prestigieuse École nationale supérieure de création industrielle en 2021, après être passé par le lycée des arts appliqués de la Souterraine (Creuse), Sammy Bernoussi a cofondé le studio de design Hall Haus. Quatre ans plus tard, les créations du collectif sont reconnues dans le monde entier. Leur récente collaboration avec Jean-Charles de Castelbajac fait l'objet d'une exposition à Limoges.

Des monstres, des Pokemon, des voitures, depuis qu'il est tout petit, Sammy Bernoussi dessine, tout le temps. Alors quand, à la fin de ses années collège à Saint-Junien, en Haute-Vienne, il découvre l'existence du lycée des métiers d'art et de design de la Souterraine, son choix est limpide : "Je veux dessiner, je ne veux pas faire des maths", se souvient-il. "Et aujourd'hui, je me retrouve à dessiner avec des maths", s'amuse-t-il.

Aujourd'hui, Sammy Bernoussi a 31 ans, et il est une étoile montante du design, qui rayonne déjà des Émirats au Mexique. Ces dessins, il les passe à la moulinette de logiciels 3D pour les transformer en objets. Utilisation de flux de données, création d'algorithmes, géométrie dans l'espace, des mathématiques appliquées à l'art.

Du dessin à l'objet

Après son bac arts appliqués à la Souterraine où il découvre "le monde de l'art", Sammy a appris à "sortir du dessin pour passer à la matérialisation de l'idée", dans les ateliers de la très prestigieuse École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI).

En 2012, il réussit haut la main le concours d'entrée : à lui la vie parisienne : "A 18 ans, j'étais à Paris ! Avec un pote à Saint-Junien, on se disait : faut qu'on se barre de là, sinon on va finir alcoolique au PMU, faut s'évader du piège", raconte-t-il.

Sept ans plus tard, il sort diplômé de l'ENSCI avec des compétences très larges, création d'objets, conseil en design, architecture d'intérieur, scénographie, et des connaissances pointues sur les matériaux non pétro-sourcés, et l'utilisation des outils numériques dans l'acte créatif.

La puissance du collectif

En parallèle de son activité de conseil auprès de marques de luxe, avec ses deux comparses de l'ENSCI Abdoulaye Niang et Teddy Sanches, et l'ingénieur des Arts et Métiers Zakari Boukhari, Sammy Bernoussi fonde en 2021 le studio Hall Haus, et le succès des trentenaires est fulgurant. Ils collaborent avec de grandes marques, exposent leur travail dans les prestigieuses design weeks de Paris ou de Milan, travaillent avec les instituts français partout dans le monde et leurs créations sont exposées, voire achetées par des musées du monde entier. 

Leur chaise DKR vient d'être acquise par le Mobilier national, qui soutient les métiers d'arts et de la création depuis le XVIIᵉ siècle. C'est la deuxième création du tout jeune collectif qui va figurer au patrimoine du mobilier français. "C'est une très bonne reconnaissance de notre travail", reconnaît Sammy Bernoussi. 

Pour Sammy, le succès rencontré par les créations studio Hall Haus, en à peine quatre ans d'existence, est tout simplement justifié : "C'est trop lent pour moi, ça ne va pas assez vite. Je n'ai pas l'impression d'être à 100% de mes capacités. Et puis c'est un travail d'équipe, je ne suis pas étonné de notre réussite parce qu'on travaille, on ne compte pas nos heures, et ça paye", se réjouit-il, impatient.

"Notre double culture est au cœur de notre création"

Symbolique de la démarche des quatre de Hall Haus, leur chaise DK est inspirée des chaises à palabre d'Afrique de l'Ouest. "Notre double culture est au cœur de notre création", explique Sammy. Son père à lui s'est expatrié du Maroc vers la France dans les années 80, Abdoulaye est originaire du Sénégal, Teddy du Cap-Vert et Zakari vient d'Algérie. Et tous les quatre ont à cœur d'enrichir leur travail de leurs identités. "Avant de devenir un objet pour les touristes, n'importe qui ne pouvait pas s'asseoir sur la chaise à palabre, elle était réservée au sage de la communauté. Et les notions de collectif et de transmission qu'elle représente sont importantes pour nous", explique Sammy Bernoussi.

Une exposition à Limoges

C'est aussi autour de cette chaise à palabre que s'est nouée la collaboration entre Hall Haus et Jean-Charles de Castelbajac. Tous deux originaires de Limoges, Sammy Bernoussi et Jean-Charles de Castelbajac ne se connaissaient pas, jusqu'à leur rencontre au salon du design Maison et Objet de 2023, où ils étaient voisins de stand.

De là va naître une collaboration joyeuse, et une déclinaison de la chaise DKR du studio Hall Haus "revisitée par l’univers poétique et emblématique du créateur", et nommée "One 4 Hall".

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Illustration de la collaboration entre les 4 du studio Hall Haus et Jean-Charles xde Castelbajac pour la chaise "One 4 Hall" • ©Ombragé&Hall Haus

La galerie N3 à Limoges célèbre la collaboration artistique des deux enfants du pays dans une exposition qui présentera cette fameuse chaise, mais aussi d'autres créations du studio Hall Haus, et 23 collages inédits de Jean-Charles de Castelbajac, rendant hommage à la ville de Limoges. " Nous nous intéressons aux mêmes choses, jouons avec les symboles de la consommation, habitons nos projets d’humanisme et d’éthique, utilisons des matériaux ou des technologies hors contexte et participons à la marche du temps avec un geste poétique, urbain et démocratique. Nous sommes de générations différentes, nos histoires ne sont pas les mêmes, mais mystérieusement, nous envisageons les choses avec la même force, le même élan et le même regard", écrit Jean-Charles de Castelbajac pour présenter leur travail.

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Sammy Bernoussi sera présent pour le vernissage de l'exposition ce jeudi 6 février, et en profitera pour passer quelques jours à Limoges. "C'est un plaisir de retourner à ses racines. Mes parents vont pouvoir venir au vernissage, mes amis d'enfance aussi, c'est une fierté", reconnaît-il.

L'ambition d'une marque

Soucieux de l'empreinte écologique de leurs productions et des conséquences de la surconsommation, tout comme la corrézienne Marine Serre, les quatre membres du studio Hall Haus ont l'ambition de rendre le design accessible à tous. "Pour le moment, on propose du design cher, mais on explique pourquoi c'est cher. Nos objets sont fabriqués en France, en toute petite série. D'où l'intérêt pour nous de répondre à des marchés publics. Dessiner du mobilier ou des aménagements intérieurs pour un stade, un musée, un aéroport, des institutions, ça permet aux gens de profiter au quotidien de nos objets sans avoir à les acheter", explique Sammy Bernoussi.

C'est une responsabilité de créer des objets dans un monde où les décharges sont saturées.

Sammy Bernoussi

Designer

Déterminés à mener à bien des projets "de plus en plus ambitieux", Sammy Bernoussi et ses trois comparses travaillent aussi à structurer Hall Haus "en tant que marque", en développant le marketing, le packaging, la logistique, avec, à terme, l'objectif d'avoir leur propre usine de production.