Depuis le 1ᵉʳ janvier 2025, les EHPAD publics et associatifs peuvent augmenter jusqu'à 35% le prix de séjour des nouveaux résidents. Si cette mesure s'avère bienvenue pour les finances de ces maisons de retraite, elle inquiète les concernés et leurs familles.
C'est un fonctionnement plutôt méconnu du grand public. Depuis 2019, l'EHPAD de Nieul, en Haute-Vienne, a mis en place une grille tarifaire basée sur le choix. Une alternative est proposée à ses quatre-vingt-huit résidents : ces derniers optent, soit pour un tarif administré, assorti d'une aide au logement, soit pour un tarif libre. L'écart entre les deux ne doit pas dépasser 5%.
Cela nous a permis de générer des recettes complémentaires.
Véronique DemaisonDirectrice des EHPAD de Couzeix, Panazol et Nieul.
Signée avec le conseil départemental de la Haute-Vienne, cette convention a été prolongée jusqu’en 2026. Pour la directrice de la maison de retraite, elle constitue un palliatif assez efficace pour remédier aux difficultés financières. "Cela nous a permis de générer des recettes complémentaires, qui étaient nécessaires, tout en restant quand même raisonnables, explique Véronique Demaison, qui est aussi déléguée régionale pour le secteur médico-social de la Fédération hospitalière de France. Il faut aussi tenir compte de la capacité contributive de nos résidents. L'objectif n'est pas non plus de grever leur budget ou leur retraite."
Mis en place depuis 2019, ce système représente une déclinaison, avant l’heure, du décret d'application de la loi "Bien vieillir", adoptée en avril 2024. Entré en vigueur le 1ᵉʳ janvier dernier, ce texte autorise les EHPAD publics et associatifs à augmenter leurs tarifs. Il fixe plusieurs conditions importantes : la hausse ne peut viser que les futurs résidents, non bénéficiaires de l'aide sociale à l'hébergement, et ne doit pas être supérieure à 35%.
Le prix moyen pourrait passer de 57 à 77 euros par jour
Sur les cent dix-sept EHPAD de Haute-Vienne, Corrèze et Creuse, cent onze s'avèrent concernés. Si, en Limousin, le prix moyen de séjour journalier s'élève à cinquante-sept euros, avec cette nouvelle mesure, il pourrait grimper jusqu'à soixante-dix-sept euros.
Les premiers à pâtir de ces nouveaux tarifs pourraient être les retraités dits "modestes". Membre de la Fédération nationale des associations et amis de personnes âgées et de leurs familles, Pascal Le Bihanic est un ancien directeur d'EHPAD. Il juge ce changement scandaleux : "C'est une alerte que nous lançons, car c'est un principe de renoncement au principe de solidarité nationale. Mêmes prestations, mêmes tarifs. Or, c'est ce principe-là auquel on va déroger, sans doute avec des marges de manœuvre plus limitées en Limousin, compte tenu des revenus et des pensions de retraite des résidents accueillis en EHPAD."
Notamment fragilisés par l’inflation, 80% des EHPAD de Haute-Vienne affichent un déficit de plusieurs centaines de milliers d'euros. D'après David Combeau, secrétaire général de la CFDT santé-sociaux dans le département, l'application en urgence du décret ressemble à un "sparadrap" : "Cela peut entraîner une précarisation. Les gens vont devoir rester chez eux. Eux ou leurs familles n'auront pas forcément les ressources."
Le prochain budget de la Sécurité sociale très attendu
Confrontées à ces inquiétudes et controverses, les collectivités territoriales compétentes, mairies ou départements, préfèrent se montrer prudentes et garder le silence. "Les élus n'ont pas encore arbitré sur les règles de tarification des EHPAD dans ce nouveau cadre légal, a communiqué le conseil départemental. Ils doivent délibérer à ce sujet lors d'une prochaine réunion."
Un possible rachat par des groupes privés pousse les maisons de retraite médicalisées à espérer un engagement du gouvernement. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025, qui fera prochainement l'objet d'une relecture au Parlement, leur en offrira bientôt un aperçu.
