Témoignages. "Beaucoup pensent encore qu'une personne handicapée n'a pas de relation sexuelle": ils racontent le difficile quotidien

Publié le Écrit par Lisa Douard

Les clichés persistent autour de la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap : inexistante, impossible, méconnaissance du plaisir... Jean-François, Florence et Michel lèvent les tabous en se livrant sur leur quotidien.

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Florence a connu plusieurs relations amoureuses dans sa vie. Souvent, le même schéma se reproduisait : ses partenaires endossaient le rôle d'aidant plutôt que celui de conjoint. À 44 ans, elle vit avec un handicap psychique depuis près de huit ans. Ce sont des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) et des pensées qui ne quittent plus son esprit, jusqu'à s'inviter dans son couple.

Trouver sa place dans un couple

"Mon problème impacte les autres. Dans le quotidien, tout ce que je fais prend plus de temps, demande de l'énergie. Je me suis rendu compte que ça rendait également difficile la vie à deux. Mes partenaires pensaient pouvoir m'aider ou que la maladie passerait rapidement. Ils ne trouvaient pas leur rôle de petit ami", confie-t-elle. Après les disputes et malgré les tentatives de thérapie de couple, ils finissaient par se séparer.

Outre son besoin d'amour, de tendresse et d'intimité, comme tout un chacun, Florence a aussi vu s'éloigner petit à petit son souhait de devenir mère. "J'ai une épée de Damoclès au-dessus de ma tête, à cause de mon âge. Je sais que je ne vais pas construire une vie de famille et avoir un enfant en deux mois. Peut-être que je devrais faire le deuil de cette envie", regrette-t-elle.

J'aimerais qu'un homme s'intéresse à moi pour ce que je suis, sans qu'il ait cette envie d'avoir le rôle de l'aidant pour moi.

Florence

Atteinte d'un handicap psychique

Les personnes en situation de handicap, quel que soit leur âge, sont souvent confrontées à un phénomène d'infantilisation. Les décisions sont prises à leur place, sous prétexte qu'elles sont incapables de choisir pour elles. Pendant longtemps, leur sexualité a été abordée sous le prisme des risques.

Depuis peu, le sujet s'invite sur la table. Le 6 décembre, l’espace de réflexion éthique de Nouvelle-Aquitaine (ERENA) organisait un forum "Amour, intimité, sexualité - Handi'scuter". Plusieurs centaines de participants et une trentaine de partenaires ont participé. Preuve de plus que le sujet concerne et qu'il avance.

"On en parlait beaucoup moins, il y a 35 ans"

"C'est quelque chose dont on parlait beaucoup moins, il y a 35 ans. La prise en compte n'était pas la même. Il était surtout question de savoir si l'on pourrait avoir des enfants, s'il fallait conserver le sperme, plutôt que de parler de relations intimes et de plaisir", fait remarquer, Michel, 63 ans. Il est devenu tétraplégique à l'âge de 28 ans, après un accident de voiture. Sa femme était enceinte de trois mois, à ce moment-là. Ils ont eu un autre enfant ensuite, sans difficulté.

Dans la société, beaucoup pensent encore qu'une personne handicapée n'a pas de relation sexuelle.

Michel

Devenu tétraplégique il y a 35 ans

Calé dans son fauteuil roulant, Michel sourit. "Il y a des choses qui sont beaucoup plus difficiles au quotidien pour une personne handicapée que de faire l'amour. Aller aux toilettes, uriner, par exemple... Mais ça, les gens n'y pensent pas", continue cet ancien sapeur-pompier professionnel.

L'accès à une vie intime est loin d'être une évidence pour tout le monde. De nombreuses personnes en situation de handicap rencontrent des difficultés à exercer leur sexualité. Des associations plaident pour la légalisation des "accompagnants sensuels et sexuels" afin de répondre aux désirs sensuels ou érotiques des adultes en situation qui en feraient la demande. Mais la pratique, autorisée dans d'autres pays, est encore associée au proxénétisme en France. Le débat n'avance pas, laissant les concernés face à un vide.

Encore du chemin à faire

Pour les plus jeunes, les instituts médico-éducatifs (IME) se chargent souvent d’aborder ces questions taboues en famille. Au sein de ces structures, leur vie intime est surveillée, mais c'est aussi ici qu'ils apprennent à la découvrir. Celui de Couzeix, en Haute-Vienne, accueille les personnes atteintes de déficience motrice ou souffrant de polyhandicaps. Toutes sont pagées de trois à vingt ans.

"Leurs questions sont différentes selon l'âge. Les ados vont se demander comment on fait les bébés, comment avoir une petite amie ou s'ils peuvent se marier", explique Gabrielle Couhault-Desvilles, une encadrante. 

Tout le monde a besoin et le droit d'avoir une vie affective et intime. Il faut arrêter de penser le contraire. Des clichés persistent, par exemple : quand on est paraplégique, il ne se passerait plus rien en dessous de la taille.

Gabrielle Couhault-Desvilles

Encadrante dans un IEM

Faire de nouvelles rencontres fait partie des préoccupations des adolescents et jeunes adultes. Tous ne sont pas scolarisés en "milieu ordinaire" et même lorsque c'est le cas, les discriminations persistent. "Ils ont des copains à l'école, mais ils ne sont pas invités aux anniversaires. C'est un exemple frappant pour décrire la situation dans laquelle ils se trouvent. Ils sont intégrés, mais il y a encore un peu de chemin pour atteindre l'inclusivité", constate Jean-Pierre Marcheix, moniteur ateliers à l'IEM 87 de Couzeix.

Trouver des réponses aux inquiétudes

Jean-François aurait aussi aimé trouver des réponses à ses inquiétudes, lorsqu’il a eu son accident à l'âge de quinze ans. Une mauvaise chute après avoir plongé depuis les épaules d’un copain l’a rendu tétraplégique. C'était la veille de l'examen du brevet des collèges. "Quand on est valide, on se pose beaucoup de questions à l'adolescence, la période à laquelle on découvre l'intimité... Mais, avec un handicap, on a encore plus d'interrogations", confie celui qui "a appris en essayant".

Après mon accident, j'aurais aimé que le personnel médical me dise ce que je pouvais faire, comment ça allait se passer, me mette en confiance. C'était il y a trente ans, on ne parlait moins de handicap et de sexualité.

Jean-François

Devenu tétraplégique à l'âge de quinze ans

Dans sa vingtaine, Jean-François a eu son propre appartement, continué à sortir avec ses amis. Son handicap ne l'a pas empêché de faire des rencontres et d'avoir une vie de famille. Le Corrézien a deux filles de quinze et trois ans. "Je sais que ce n'est pas évident pour tout le monde, que ce soit pour créer des liens ou avoir des enfants. Heureusement, il existe maintenant de nombreuses structures pour se faire accompagner. Il faut juste oser faire le premier pas."

Au quotidien, il y a toujours "des petits trucs" qui lui rappellent sa paralysie. Il met plus de temps pour faire certaines tâches, prend un véhicule pour se déplacer en ville. "Mais sinon, je le vis bien", assure cet ancien sportif de haut niveau qui a participé trois fois aux Jeux paralympiques en tennis de table. "Si je devais faire passer un message aujourd'hui, ce serait ça : levez les tabous, le handicap ne doit pas être un frein. Ce n'est pas évident. Mais il y a tellement de choses belles et agréables à vivre."

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