"Ai-je été viré pour ça ?", c'est la question que se pose Tom Hannane. Son employeur vient de mettre fin à sa période d'essai d'apprentissage. "Mon contrat a pris fin alors que je venais d'annoncer que j'étais atteint du syndrome d'Asperger." Il cherche un nouvelle formation.
Son employeur a-t-il mis fin à sa période d'essai en raison de son trouble autistique ? Tom Hannane en est persuadé. Ce jeune homme, originaire de Limoges, l'explique dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux. Un message, une confession sur son syndrome et une incompréhension sur son éviction professionnelle. Au-delà de cette mauvaise expérience, Tom se retrouve aujourd'hui sans contrat et sans école.
Son aventure débute le 4 septembre 2019. Le jeune homme de 21 ans rêve depuis longtemps de devenir journaliste. Il choisit alors l'alternance. Inscrit dans une école de journalisme dans le sud de la France, il trouve un contrat d'apprentissage dans une radio privée. Ses missions : aller sur le terrain, écrire des papiers radio et des papiers sur internet. Problème : il a du mal à tenir ses angles, la durée de ses reportages et parle parfois un peu trop vite. Défauts courants quand on débute dans la profession !
Au bout de trois semaines de stage, son employeur souhaite faire le point avec lui car "il ne le sentait pas assez épanoui". Tom dit alors que tout va bien mais explique qu'effectivement il doit travailler en "séquences", qu'il peut atteindre ses objectifs, mais pas forcément du premier coup. Il ne peut réaliser les choses que les unes après les autres. La direction lui demande pourquoi. Tom annonce alors qu'il est atteint d'un trouble autistique : le syndrome d'Asperger.Mon langage n'était pas assez simple. Trop complexe et trop riche selon la rédaction qui me demandait de simplifier mon phrasé. J'ai fait beaucoup d'efforts pour m'y conformer
La direction prend acte : les choses sont claires et tout semble aller pour le mieux. Il lui aurait été demandé d'être opérationnel pour le mois de décembre.Trois jours plus tard, Tom est à nouveau convoqué. On l'informe alors que la collaboration s'arrête là. Qu'il n'ira pas au bout de sa période d'essai.Ce TSA se manifeste par un manque notable d'intuition, j'analyse beaucoup, voire trop et je n'ai quasiment pas d'instinct. Il m'est également impossible de traiter plusieurs informations simultanément.
Une décision légale
Dans le cadre d'un d'apprentissage, lors des deux premiers mois, l'employeur, tout comme l'apprenti, peuvent mettre fin au contrat, sans motif. C'est donc la décision qu'a prise la direction de la radio.Tom le reconnaît : on ne lui reproche aucune faute grave mais des blocages relatifs à son expression, sa façon d'être. "Oui, je suis quelqu'un de singulier, nous confie-t-il, c'est comme si j'étais né dans une autre époque."
Ce qu'il regrette, c'est qu'il n'ait pas eu le temps de faire ses preuves, ni de se justifier, ni de se défendre.
Nous avons contacté l'ex-employeur de Tom :
Nous avons mis fin à sa période d'essai en respect de la loi et des termes de son contrat. Nous contestons totalement les faits tels que présentés par Monsieur Hannane.
Diagnostiqué il y a un an
Tom nous raconte qu'à l'école, puis au collège, il rencontre des difficultés. Il se rend compte qu'il est quelqu'un de particulier. Au lycée et en classe préparatoire, tout semble s'arranger mais reste une question : "Pourquoi ai-je des difficultés dans mes relations sociales alors que j'ai eu une enfance stable et heureuse ? ". Il dépose un dossier en vue d'un diagnostic en janvier 2018 et quelques mois plus tard il a enfin l'explication : le syndrome d'Asperger.Ça me coûte vraiment de vous livrer cette partie de moi
Avant de réaliser cette '"confession-vidéo", Tom dit avoir pris conseil auprès de ses proches qui lui ont déconseillé cette démarche. Josef Schovanec, l'écrivain et militant autiste lui aurait déclaré : "C'est un suicide social de l'annoncer publiquement ainsi". Mais Tom a fait fi de ces recommandations.C'est un suicide social !
Quelle insertion professionnelle ?
Et au-delà de ce qui pourrait être ou devenir une polémique, se pose, une nouvelle fois, la question de l'insertion des personnes atteintes d'un TSA dans le monde éducatif et/ou professionnel.Nous ne sommes pas malades, nous n'avons pas de superpouvoirs, nous ne sommes pas des attardés et pas tous des savants [...] 1 % de la population est touchée par un trouble du spectre de l'autisme […] et cette partie de la population éprouve beaucoup de difficultés pour trouver un emploi. Je viens d'en faire l'amère expérience. Tom Hannane
Dans un rapport présenté en 2017 à la Secrétaire d'Etat chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l'exclusion sur le devenir professionnel des personnes autistes, Josef Schovanec écrit : "Indéniablement, la situation actuelle de l'emploi des personnes autistes en France n'est pas bonne. D'aucuns feraient, légitimement sans doute, appel à des termes plus forts encore. Le malaise à traiter du sujet est d'autant plus grand que la méthodologie d'ordinaire de rigueur, à savoir l'impératif de s'appuyer sur des faits et des chiffres pour décrire un phénomène social, ne peut tout simplement pas être suivie ici : les données statistiques, fragmentaires en matière d'emploi des personnes handicapées en général ainsi que ne manquent pas de le relever répétitivement les organismes dédiés, deviennent pour ainsi dire inexistantes pour ce qui est du seul autisme."
Josef Schovanec poursuit : "La question de l'accessibilité trouve pourtant ses premières limites face au refus fréquent bien qu'inexplicable de nombre d'entreprises d'adapter, même légèrement, certaines habitudes telles que les horaires de travail ou la prise des repas."