Le Premier ministre Manuel Valls a présenté lundi un plan renforcé de lutte contre le jihadisme, qui met l'accent sur la prise en charge des personnes "radicalisées" avec la création dans chaque région française d'un "centre de réinsertion".
Selon ce plan dévoilé à Matignon à l'issue d'une réunion gouvernementale avec douze ministres, les 13 régions métropolitaines doivent disposer d'ici fin 2017 d'un "centre de réinsertion", de petites structures d'une trentaine de personnes "radicalisées".Le premier ouvrira cet été en Indre-et-Loire, avec des jeunes volontaires. Un deuxième, prévu d'ici la fin de l'année, "traitera des cas plus lourds", dont des repentis de retour de Syrie.
1600 jeunes "font l'objet d'un accompagnement"
"Au moins la moitié" des futurs établissements accueilleront, "à la demande de l'autorité judiciaire", des personnes "qui ne peuvent pas être placées en détention" mais sous contrôle judiciaire, a précisé Manuel Valls.Outre mer, un centre est envisagé à Mayotte, selon le gouvernement. Le plan, qui recycle pour une grande partie des mesures déjà annoncées ou réalisées, vise "à doubler en deux ans les capacités de prise en charge" des jeunes actifs dans les réseaux jihadistes ou pouvant rejoindre leurs rangs, ainsi que leurs familles.
Actuellement, 1.600 jeunes "font l'objet d'un accompagnement", selon l'exécutif. L'objectif est d'atteindre 3.600 personnes dans deux ans. Selon un dernier décompte de Matignon, près de 9.300 personnes ont été signalées pour "radicalisation violente", dont 30% de femmes et 20% de mineurs. En prison, le gouvernement estime que 1.500 des 66.000 détenus en France sont "radicalisés".
Manuel Valls a rappelé que sur les 15 projets d'attentats déjoués depuis 2013, six étaient portés par des individus de retour de la zone syro-irakienne, où combattent actuellement 627 Français, "le contingent le plus important en Europe".
40 millions d'euros supplémentaires
Pour financer ces nouvelles mesures, une enveloppe de 40 millions d'euros supplémentaires est prévue d'ici 2017, avec notamment la création d'une cellule de coordination de l'action des préfets, des collectivités locales et des associations.L'exécutif, qui a déjà lancé des partenariats avec les géants du net, veut "construire de puissants contre-discours" pour "contrecarrer la propagande jihadiste et salafiste et casser cette entreprise d'embrigadement à grande échelle".
L'une des mesures vise la mise en place d'un "conseil scientifique permanent" sur la radicalisation et le terrorisme, qui pourrait coordonner un réseau de recherche et renforcer les liens entre chercheurs et fonctionnaires de l'antiterrorisme.
"Nous avons besoin des voix de l'islam de France. Elles doivent se faire entendre encore plus fort qu'elles ne le font aujourd'hui", a martelé le Premier ministre. Dimanche, le Conseil français du culte musulman (CFCM) avait annoncé la mise en place d'un "conseil théologique" pour lutter contre la propagande jihadiste.
Autre point important: le contrôle des personnes occupant des postes sensibles. Les enquêtes administratives visant à passer au crible les professions réglementées sont actuellement menées tous les trois ans, mais l'objectif est d'en réaliser "au fil de l'eau", avec des contrôles "à périodicité resserrée". Ce criblage sera "étendu au dispositif de préparation des grands évènements", alors que l'Euro-2016 de football commence le 10 juin en France.
Côté détection, le volet français du fichier dit PNR ("Passenger Name Record"), registre des données des passagers aériens, "entrera progressivement en vigueur" et sera opérationnel d'ici deux ans, alors que la France a été le fer de lance de sa récente adoption au niveau européen.
Enfin, le plan reprend plusieurs mesures du projet de réforme pénale en cours d'examen au Parlement, comme le contrôle administratif pour des personnes de retour du jihad, la refonte du renseignement pénitentiaire et l'introduction à la perpétuité réelle pour des faits de terrorisme.