Sous la pression de l'Union européenne, d'associations écologistes et de Nicolas Hulot, la chasse traditionnelle à l'ortolan se meurt dans les Landes, au grand dam de chasseurs locaux qui sont, depuis deux ans, poursuivis et condamnés pour cette pratique illégale longtemps tolérée par les autorités.
Mi-novembre, la Commission européenne a mis fin à la procédure d'infraction contre la France, estimant que Paris s'était finalement conformé à la législation européenne de la directive Oiseaux à propos du bruant ortolan, " Emberiza hortulana " de son nom scientifique.
Cette décision intervenait un mois après les instructions directes du ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, au préfet des Landes pour "renforcer toutes les mesures de surveillance, de contrôle et de verbalisation, tant à l'égard des braconniers que des intermédiaires qui se livreraient à un trafic, et n'accorder, comme l'an dernier, aucune tolérance aux pratiquants".
Depuis 2015, ce type d'inspections qui se sont intensifiées, ont été suivies de sanctions judiciaires. Ainsi, en attendant le pourvoi en Cassation, la Cour d'appel de Pau a condamné en octobre onze chasseurs landais à des amendes de 1.000 euros, en partie ferme, mais sans retrait de permis de chasse comme infligé en première instance à Mont-de-Marsan.
Onze chasseurs convoqués
Jeudi, onze autres chasseurs, essentiellement âgés de 60 à 80 ans avec de petites retraites et sans aucun casier judiciaire, étaient convoqués devant le tribunal montois pour des prises à l'été 2016 avec appelants et matoles, ces petites cages permettant de capturer les oiseaux vivants.
A la barre, les " cassayrots " (petits chasseurs en patois) ont dit avoir respecté "la tolérance préfectorale" de 30 matoles maximum longtemps de mise.
"La règle a changé sans qu'on le sache", "on a été abusés", ont-ils plaidé. "En 2016, ils ne pouvaient pas ignorer qu'il fallait arrêter", a tranché le procureur Olivier Janson requérant des peines de 1.000 à 2.000 euros d'amende (la moitié avec sursis), tout en avouant une "forme de tristesse" de voir là ces "personnes qui découvrent la justice à parfois 80 ans".
Réfutant tout principe de tolérance, Me François Ruffié, avocat de la Ligue de protection des oiseaux, leur a demandé s'ils comptaient "poursuivre cette chasse" : "jusqu'à nouvel ordre non. En 2017, les chasseurs ont respecté l'interdiction mais si les choses changent, je recommencerai", a répondu François Ibanez, l'un des prévenus, alors que des captures marginales sont encore évoquées ça et là.
Les chasseurs réclament un plan de gestion européen
Les chasseurs locaux réclament en effet "un plan de gestion européen" pour cette espèce protégée depuis 1999 ainsi qu'un quota d'ortolans chassés à ne pas dépasser, suite à l'étude 2016 du Museum national d'histoire naturelle concluant à un déclin de population de 20 à 30% entre 2000 à 2014, mais sans risque d'extinction selon les règles de l'Union internationale pour la conservation de la nature.
Au-delà des interdictions formelles, cette chasse semble vouée à s'éteindre d'elle-même, comme l'a montré Me Frédéric Dutin pour la défense : la quasi-totalité des enfants et petits-enfants des prévenus n'ont ainsi jamais cherché à capturer d'ortolan.
Les chasseurs ont en tout cas le soutien de grands chefs comme Michel Guérard ou Jean Coussau qui ont souvent demandé une dérogation pour cuisiner une fois par an ce mets prisé par François Mitterrand notamment, qui est engraissé quelques semaines et noyé dans l'armagnac.
"On espère qu'on pourra se battre pour que ce plaisir transmis de génération en génération ne soit pas perdu à jamais", a dit M. Ibanez.
En attendant le jugement mis en délibéré, les autres prévenus ont aussi appelé à la "sauvegarde de l'identité landaise" face à "un monde uniformisé", de la défense de la chasse à l'ortolan, à la tauromachie et au foie gras.