Les grues ont fait des zones humides des Landes leur refuge privilégié. Chaque hiver, le collectif Grus Gascogna organise un comptage minutieux de ces oiseaux migrateurs. Une opération essentielle pour mieux comprendre et protéger cette espèce devenue emblématique dans le département.
Dès l'aube, Denis Lanusse et Thierry Bereyziat ont le regard fixé sur l’horizon. Attentivement, ils observent les silhouettes élancées des grues s'envoler depuis la lagune de Latapy, un des dortoirs privilégiés par ces animaux dans les Landes de Gascogne. "Dès le lever du jour, les oiseaux commencent à partir, donc il faut être en place avant huit heures", indique l'un des deux techniciens cynégétiques. Tous deux font partie du collectif Grus Gascogna, qui regroupe fédération de chasseurs, collectivités, réserves et parcs naturels, dans le but d'organiser des comptages des grues lorsqu'arrive l'hiver.
Des oiseaux plus nombreux
Ces zones inondées offrent aux oiseaux migrateurs un refuge sécurisant pour la nuit. Mais dès l’aube, ils prennent leur envol, en direction des champs voisins pour se nourrir. C’est à ce moment-là que les deux techniciens commencent leur décompte, dit "comptage au dortoir". "L'objectif, c'est d'arriver à observer ces grues et voir quelle population nous intéresse, car elles viennent de plusieurs pays européens. On a des allemandes, des suédoises, des norvégiennes", indique Denis Lanusse.
Au total, sur la matinée, les deux passionnés ont relevé 6 000 grues sur l'intégralité des quatre sites du secteur de la Haute Lande. Au cœur de la période d'hivernage, fin décembre, le comptage peut atteindre 10 000 à 12 000 oiseaux. Une population qui ne cesse de croître dans le département. "Ça va faire quarante ans qu'on travaille sur cette thématique, indique Thierry Bereyziat. On a une grosse passion pour cet oiseau qui est devenu emblématique dans la région. Ça dépasse maintenant la limite du département des Landes."
On a des oiseaux en Gironde, dans les Pyrénées. L'oiseau s'est installé un peu partout en France c'est super intéressant à observer.
Thierry Bereyziattechnicien cynégétique de la fédération départementale des chasseurs des Landes
Des sites entretenus
Pour favoriser la période d'hivernage, les sites sont entretenus, notamment par le biais du pâturage. "L'été, les vaches viennent sur la végétation pour qu'il y ait des grues l'hiver." Les techniciens contrôlent aussi avec attention l'humidité des sols pour s'assurer de la présence d'eau. "Sur les années pluvieuses ce n'est pas un problème, comme cette année, mais les années plus sèches, c'est important de pouvoir gérer l'eau pour avoir des conditions de stationnement suffisant", note Denis Lanusse.
D'autant plus que ces animaux sont sensibles à leur environnement. Les techniques relèvent un phénomène récent : la présence de photographes animaliers, "peu délicats et imprudents, qui ne tiennent pas compte du comportement des oiseaux". "C'est une espèce très sensible et l'accumulation de dérangements peut les impacter surtout pendant les vagues de froid où ils ont besoin de conserver l'énergie emmagasinée, déplorent-ils. Cela peut réduire les milieux intéressant que les oiseaux recherchent."
Pour procéder au comptage annuel, les deux hommes peuvent profiter d'un véritable réseau européen d'observation avec lequel ils échangent régulièrement. L'an dernier, pour ce même comptage sur l'ensemble des sites dortoirs du département, 34 000 grues ont été recensées.