À Montagnac-sur-Lède, dans le Lot-et-Garonne, la famille Eyquem s'oppose à un projet d’agrivoltaïsme de 30 hectares près de leur domicile. Un problème devenu récurrent dans le département, où les installations de panneaux photovoltaïques sur des terres agricoles se multiplient.
Cette commune en Lot-et-Garonne était censée devenir leur nouveau havre de paix pour leur retraite. En 2010, Pascal et Michèle Eyquem font l'acquisition d'une maison dans les vallons de Montagnac-sur-Lède, à une vingtaine de minutes de Villeneuve-sur-Lot.
L'emménagement interviendra quelques années plus tard, accéléré par un état de santé fragilisé de Pascal, contraint de subir six opérations en un an. Aujourd'hui encore, le couple de retraité s'émerveille de la quiétude des alentours. "Des champs à perte de vue, du salon, on voit jusqu'à la Dordogne." Mais le rêve a depuis peu été entaché par le projet de leur voisin : l'installation d'une centrale photovoltaïque sur ses parcelles agricoles d'une superficie de 30 hectares. "C'est simple, on va être encerclés", s'agace le couple Eyquem.
On s'est usé toute notre vie pour avoir un bien pour notre retraite et tout est détruit en un claquement de doigts.
Michèle et Pascale Eyquemopposants à un projet d'agrivoltaïsme
L'agrivoltaïsme pour diversifier l'activité agricole
Comme le rappelaient nos confrères de Sud Ouest en décembre, ce projet est porté par la société WPD Solar France, qui "développe, finance, construit et exploite des parcs éoliens terrestres et des parcs solaires photovoltaïques" sur tout le territoire. Selon les conclusions de l'enquête publique relative à l'étude du dossier, l'agriculteur propriétaire des terres est engagé depuis six ans dans le biologique. Pour lui, l'installation de ces panneaux photovoltaïques sur ses terres permettra de "diversifier leurs activités, en associant la production d'énergie renouvelable avec de l’élevage ovin et avicole" alors que son exploitation "est soumise aux aléas climatiques d'une part avec un rendement plus qu'hétérogène d'autre part".
Selon le ministère de l'Agriculture, la préfecture encadre les possibilités d'installation de panneaux photovoltaïques dans certaines surfaces : "seuls peuvent être identifiés au sein de ces surfaces des sols réputés "incultes" ou non exploités depuis une durée minimale (qui sera fixée par décret), antérieure à la publication de la loi."
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La famille Eyquem de son côté n'est pas convaincue. Pour elle, ce projet signe surtout la fin de la quiétude de Montagnac-sur-Lède, victime à son tour de ce "fléau" qui "touche tout le département". "Avec ces panneaux, on ne verra plus que du verre et du métal. Et que dire de l’impact sur notre maison ? Elle va perdre toute sa valeur", avance Pascal, qui se sent abandonné par les autorités locales.
Quand on a demandé des explications à la mairie, on nous a envoyés promener.
Michèle et Pascal EyquemOpposants à un projet d'agrivoltaïsme
Avis favorable de l'enquête publique
Le couple lot-et-garonnais critique un manque de communication des différents acteurs. "Le début de l'enquête publique a été annoncé par une affichette sur la mairie. Pourquoi n’ont-ils pas organisé de réunion publique ? Les gens étaient dans l’ignorance totale." Avec seulement un mois pour recueillir les observations, beaucoup de riverains estiment ne pas avoir eu le temps ou l’occasion de se faire entendre.
Du côté de la municipalité, le décès du maire survenu brutalement en décembre 2024 a compliqué le suivi du dossier. Le premier adjoint, Daniel Gardès, aujourd'hui en charge des affaires courantes, précise qu'un "premier avis favorable a été voté à la majorité lors d'une réunion consultative" mais assure "ne plus avoir la main sur le projet", désormais délégué à la préfecture du Lot-et-Garonne.
Début 2025, les résultats de l'enquête publique donnent un nouvel avis favorable au lancement du projet malgré les nombreuses inquiétudes du couple. Dans une pétition publiée en ligne qui regroupe à ce jour près de 150 signatures, il interpelle sur la destruction des paysages naturels, des risques d'incendie, la "perte considérable des terres arables" et sur les potentielles nuisances pendant les travaux. "C'est au minimum six mois de travaux minimum, avec des engins surdimensionnés. Comment vont-ils faire ? Ce n’est pas des routes qui sont prévues pour", s'interroge le couple.
Aucune distance minimale à respecter
Plusieurs questions soulevées lors de l'enquête publique et auxquelles WPD Solar tente d'apporter des réponses. "Un état des lieux de la voirie empruntée par les engins de chantier du projet sera réalisé avant et après les travaux [...]". D'autre part, toujours selon les conclusions de l'enquête publique, l'entreprise WPD "s’engage à payer les frais de réfection de la voirie en cas de dégradation par les véhicules de chantier lors de la construction du parc photovoltaïque."
Sur la dégradation du paysage et la proximité des panneaux avec leur maison, WPD réfute l'existence "de contrainte réglementaire à l'échelle nationale sur des distances à respecter entre les maisons d'habitation et les projets photovoltaïques". "Au minimum, la distance entre la limite de propriété de M. et Mme Eyquem et la clôture du projet est d’environ 35 m, pour aller au-delà de 60 m pour le point de vue le plus direct sur le projet", précise la société. Malgré tout, "plusieurs questions n'ont pas eu de réponse et des sujets ont été mis de côté" peste le couple, notamment concernant "l'avis défavorable de la communauté des communes".
Collectifs
Le Lot-et-Garonne est le département de Nouvelle-Aquitaine où le développement de l'agrivoltaïsme est le plus rapide. Selon l'association ADN, récemment constituée pour alerter les citoyens et encadrer ces projets, 4 000 hectares de terres seraient concernés par l'agrivoltaïsme pour une production d'électricité pour un million d'habitants "sur un département qui en compte 92 000".
"Nous, on n'est pas contre les énergies renouvelables, au contraire, insiste sa présidente Dominique Rambeau. Mais pas n'importe comment et pas n'importe où et au détriment du bien commun. On demande un moratoire pour réfléchir à comment déployer ces projets sur des zones en friches par exemple ou dans des zones industrielles."
Pour le moment, la famille Eyquem reste dans l'attente du dépôt du permis de construire, mais affirme ne rien lâcher. Elle s'est d'ailleurs accompagnée d'un avocat.