Marginales il y a quelques années, les boissons sans alcool se fraient une place dans les soirées ou dans les apéritifs des Français. En Gironde, ou dans les Pyrénées-Atlantiques, des producteurs et des boutiques fleurissent et témoignent d’un marché en pleine effervescence.
Dans leurs verres, des bulles, du vin, mais aucun alcool. En France, le sans-alcool continue de gagner du terrain. Selon l’observatoire des drogues et des tendances addictives, la consommation a diminué de 13% entre 2021 et 2023.
Raisons multiples
Problème de santé, bien-être ou grossesse, les raisons aux pauses ou aux arrêts de l’alcool, suivis par 2 Français sur 10, sont multiples. “Les quarantenaires ont vu les effets que l’alcool avait sur la santé et les nouvelles générations se disent qu’elles n’ont pas besoin de ça pour s’amuser”, lance une trentenaire, un verre sans alcool dans la main, lors d’une soirée.
Je suis enceinte de six mois, c’est un bon compromis pour ne pas dégrader le côté festif sans avoir à boire de l’alcool.
une future mamanà Pau
Dans cette boutique de Pau nommée avec humour Papompette, le constat est similaire : l’alcool n’est plus un prérequis pour passer une bonne soirée. “J’ai pris des vins désalcoolisés pour le réveillon. Et puis mon mari suit un traitement qui l’empêche de boire de l’alcool, sourit Christine, une Paloise. Avant, je commandais en ligne donc je suis contente d’avoir ce magasin.”
À Biarritz, la boutique Waaa a fêté son inauguration le 10 janvier dernier, symbole d’un marché prometteur. “On a des profils très variés en termes d’âge et de motivation. Il y a aussi beaucoup de gens curieux ou qui passent la porte en pensant que l’on vend de l’alcool et ça donne souvent lieu à des moments sympas”, explique Jean-Daniel Galisson, l’un des quatre propriétaires du magasin.
Dans son magasin comme dans sa vie personnelle, le Biarrot constate, sans détour, ce virage pris par de plus en plus de personnes. “Quand je suis en soirée, j’amène une bouteille sans alcool et maintenant, des gens choisissent de la boire avec moi plutôt que de prendre de l’alcool”, analyse Jean-Daniel Galisson.
Désalcoolisés ou sans alcool de nature
Vendues en France en moyenne 20% plus chères que leurs alter ego alcoolisés, les boissons sans alcool se distinguent en deux familles. “Il y a les boissons désalcoolisées comme le vin ou la bière et, de l’autre côté, les boissons construites absolument sans alcool du début à la fin”, précise le propriétaire de la boutique de Biarritz.
C’est notamment dans cette seconde famille que les possibilités semblent infinies : boissons à la betterave lactofermentée, au gingembre, démacérations de plantes aromatisées aux épices méconnues ou aux divers poivres.
Cette recherche, c’est ce qui a motivé Mylène Muchada à se reconvertir. “Je suis œnologue de métier, mes parents ont coopérateur dans le Jurançon, mais quand j’ai vu le sans alcool arriver, je me suis dit que ce serait intéressant d’utiliser mon métier pour dénicher des produits sympas”, explique la propriétaire de Papompette à Pau.
Viticulteurs de vin sans alcool
Chez les producteurs aussi, la tendance gagne du terrain, poussée, entre autres, par la baisse de 30% de la consommation de vin rouge en France, en dix ans. En Gironde, sur les terres historiques du vin de Bordeaux et de ses grands crus, une vingtaine de producteurs se sont lancés dans l’aventure du sans alcool.
À Listrac-Médoc, Julien et Nathalie Meyre ont dédié 10% de leurs vignes au vin désalcoolisé. “On a l’habitude de produire des vins puissants, charpentés, avec un nez fruité et expressif et en réalité, c’est exactement ce qu’il faut pour faire des vins désalcoolisés”, précise le producteur du Médoc.
Loin d’être le seul, une coopérative a décidé d’investir 2,5 millions d’euros dans de nouvelles cuves dédiées à la fabrication de ces vins d’un autre genre. “On va chauffer par 35°C le vin. L’alcool va s’évaporer par ces colonnes et on va donc obtenir un vin sans alcool qui va rejoindre nos chais dans lesquels il sera conservé à basse température”, détaille Philippe Cazaux, le directeur de la coopérative Bordeaux Families.
À Listrac-médoc, le pari semble déjà gagnant pour le couple de viticulteurs : leur production de cette année s'élève à 9 000 bouteilles qui ont été presque toutes vendues en quelques mois.
Si durant le mois de janvier, le “Dry january” fait chaque année de nouveau adepte, le marché du sans alcool mise surtout sur l’avenir : les moins de 25 ans, ce sont les plus nombreux à avoir mis de côté les boissons alcoolisées.