Samedi 22 mai, un migrant est mort noyé en voulant entrer sur le territoire français. Au même moment, un autre était sauvé de la noyade in extremis par un habitant. Les associations annoncent une manifestation pour alerter les pouvoirs publics.
Le Pays basque fait partie des points de passage pour entrer en France. Depuis plusieurs années, des associations locales dénoncent le traitement « inhumain » qui leur est accordé. Et la mort le week-end dernier de l’un d’entre eux ravive la colère de ces bénévoles qui veulent faire évoluer la prise en charge des migrants.
Sur cette carte entre Hendaye et Irun, la Bidassoa qui sépare l'Espagne et la France >
« Deuxième décès en un mois »
Samedi 22 mai à la mi-journée, le corps d’un homme a été retrouvé dans la Bidassoa, ce cours d'eau à cheval entre la France et l’Espagne. Cet homme, un Ivoirien de 28 ans, tentait rejoindre la France. Il s’est finalement noyé dans le fleuve alors que la marée était haute et le courant important. « Malheureusement, c’est le deuxième décès qu’Irun et les migrants ont à souffrir en un mois », regrette lmaire d’Hendaye préoccupé par la question.
Pays Basque : découverte d'un corps dans la Bidassoa et sauvetage d'un migrant, des manifestations en vuehttps://t.co/qWMgJzUcP6 pic.twitter.com/uT0R7zs2bw
— France Bleu Pays Basque (@Bleu_Basque) May 23, 2021
« Et après, il est reparti de lui-même sur sa route »
Samedi, au même moment, des habitants ont sauvé de la noyade un jeune Burkinabais de 16 ans. Celui-ci était en train de traverser la Bidassoa, et paraissait visiblement en difficulté. « Ça s’est passé ici, c’est une conséquence inévitable des contrôles aux frontières permanents qu’on a depuis plus d’un an », raconte Tom Dubois, témoin de la scène.
Les réfugiés tentent de plus en plus souvent de traverser la Bidassoa à la nage. Généralement, ils commencent à traverser du côté espagnol, ils font une halte sur l’île, et ce samedi dernier un jeune Burkinabais a traversé.
"Il s’est déshabillé sur l’île et a retraversé de ce côté-là", pousuit le jeune homme. "On était avec des amis au bord de la Bidassoa comme on le fait régulièrement. On est restés attentifs au cas où il y aurait un problème. Arrivé à cinq mètres du bord, on a vu qu’il commençait à peiner, à paniquer et à couler un peu. Je suis descendu quasiment les pieds dans l’eau pour le récupérer in extremis au dernier moment et le remonter ici. On s’est occupé de lui, on l’a séché, on lui a donné des affaires, un café chaud. Et après il est reparti de lui-même sur sa route ».
600 à 700 migrants passent pas le Pays basque chaque mois (Etorkinekin)
Selon le collectif Etorkinekin, 600 à 700 migrants passent pas le Pays basque chaque mois. Au mois de mai, le décompte se rapprochera des mille migrants. « Il y a eu tous ceux qui venaient des Canaries, maintenant on ne sait pas s'il va y avoir ceux de Ceuta (…)", s'interroge Aintzane Lasarte du collectif Solidarité Migrants Etorkinekin.
"Depuis l’opération Sentinelle le pont est complètement fermé, il y a un poste de police française fixe qui ne bouge pas".
Ils passent par la montagne, se perdent souvent, ou par la Bidasoa à la nage. Y’en qui veulent passer par les rails, et donc il y a toujours une voiture de police ici, une autre à l’autre pont, car nous avons deux ponts ferroviaires.
"C’est inquiétant, la plupart sont jeunes », observe la militante. Selon le collectif Etorkinekin, 80% auraient entre 20 et 25 ans. On compterait également 12% de femmes et 6% de mineurs. « Hier, j’ai reçu une jeune fille de 22 ans, une autre de 18 ans", raconte Aintzane Lasarte, "la semaine dernière trois jeunes de 16-17 ans".
"Ils veulent tous aller à Paris. Nous, on respecte leur choix, cela va de soi. Nous notre rôle à Hendaye c’est de les prendre et être sûrs qu’on les emmène à Pausa où il y a un service et Diakité qui les aide », conclut-elle.
"Nous voulons tisser des ponts, pas des frontières" (maire d’Hendaye)
« Aujourd’hui, les migrants n’ont plus peur de traverser la frontière », explique Kotte Ecenaro le maire de Hendaye. "Ils risquent gros mais ils le font car chez eux, semble-t-il, c’est impossible. Ou alors on leur fait miroiter un Eldorado dans le nord de la France ou plutôt en Angleterre. Ces migrants ne sont pas dédiés à rester sur le territoire, ils ne le souhaitent pas d’ailleurs".
Il y a les accords de 2002 qui s’appellent les accords de Malaga, qui prévoient qu’entre la France et l’Espagne, on peut se renvoyer des migrants très facilement.
"Depuis 2015 et les attentats", poursuit le maire, "la frontière est de plus en plus surveillée et on peut l’entendre avec des risques terroristes. Et dans ce cadre-là, les mineurs non accompagnés (MNA) sont très vulnérables. Car ils sont livrés à eux-mêmes et l’idée de franchir la Bidassoa leur parait la solution. Mais malheureusement ils se heurtent à des drames potentiels. Nous pensons qu’il y a aura encore d’autres décès. Nous demandons que l’Europe apporte des solutions humanitaires dans ce dossier. On ne peut pas laisser la France gérer d’un côté ces MNA comme elle peut, en fermant parfois les yeux aussi parce que c’est une prise en charge très lourde qui incombe aux départements. De même, côté espagnol, les députations ne veulent pas s’occuper des MNA et des coûts qui y sont liés. Et au milieu il y a le côté humain et nous, les maires d’Irun, d’Hendaye et d’Hondarribia, sommes sensibles à cette problématique humaine. Donc nous voulons tisser des ponts, pas des frontières". Ces maires ont écrit au préfet, en espérant que leur courrier remontera jusqu’au niveau Européen.
Nous refusons que la Bidasoa soit demain un cimetière pour migrants.
Manifestation samedi 29 mai à Irun et Hendaye
Les associations basques, notamment le réseau d’accueil d’Irun, Etorkinekin et Diakite, avaient prévu cette manifestation avant le décès de ce jeune Ivoirien durant le week-end. Mais les derniers évènements viennent renforcer leur volonté de pointer du doigt « le rôle insuffisant joué par l’administration, les mairies, et le département pour accueillir les migrant.e.s ». Selon elles, « l’accueil pérenne reste insuffisant et repose essentiellement sur les associations et quelques municipalités".
Si toutes les administrations prenaient leur part dans l’accueil et l’accompagnement des migrant.es, si toutes appliquaient des politiques publiques sérieuses, bienveillantes et centrées sur ceux et celles qui en ont besoin, leurs priorités seraient ces personnes en situation de vulnérabilité (...).
"Nous dénonçons les contrôles racistes et la fermeture des frontières aux personnes, non blanches, notamment noires et d’apparence arabe, politique que les autorités françaises mènent depuis des mois sous le prétexte « d’alerte antiterroriste » et « d’alerte pour cause de pandémie Covid ».
Dans leur ligne de mire à elles aussi : l’Europe. Elle « décide et impose, la mer, le désert et les murs… font le reste ». Le rendez-vous est donné le samedi 29 mai, à 17 heures, devant la mairie d’Irun ou d’Hendaye, pour faire deux cortèges, qui se rejoindront au pont de Santiago.