La ville de Biarritz a défendu ce jeudi le nom de son quartier historique La Négresse devant la cour administrative d'appel de Bordeaux. Face à elle, l'association Mémoires et Partages a souligné le caractère insultant de cette appellation, une position suivie par la rapporteuse de la cour d'appel.
La ville de Biarritz va-t-elle devoir changer le nom de son quartier ? Depuis plusieurs années, l'association Mémoires et Partages se mobilise afin que soit débaptisé le quartier de la Négresse. En décembre 2023, après avoir examiné un premier recours, le tribunal administratif de Pau avait tranché : le quartier pouvait conserver son nom.
Le tribunal avait alors jugé que ce nom avait été donné "dans une perspective mémorielle", et non "dans le but de présenter de manière dégradante, humiliante ou avilissante une esclave ou descendante d’esclave à la peau noire".
Estimant à l'époque que la justice "avait raté son rendez-vous avec l'histoire," l'association Mémoires et Partages avait fait appel. Ce 16 janvier, c'est devant le tribunal administratif d'appel de Bordeaux que les débats ont eu lieu.
"La dignité n'a pas de prix"
La décision a été mise en délibéré. Mais la rapporteuse de la cour d'appel, a, ce jeudi, exprimé un avis allant à l'encontre de celui du tribunal administratif de Pau. Elle a souligné la connotation raciste, et sexiste, du terme "Négresse".
"C'est une excellente nouvelle, a réagi Karfa Diallo, fondateur de Mémoires et Partages et conseiller régional EELV de Nouvelle-Aquitaine. Ça montre que le représentant de l'autorité publique a conscience que "La Négresse" c'est quelque chose de péjoratif, qui porte atteinte à la dignité de la personne".
Le militant , qui avait organisé un rassemblement devant le tribunal, revient sur la légende qui voudrait que la Négresse était le surnom attribué à une aubergiste du quartier, noire de peau, au début des années 1800. "La dignité n'a pas de prix. Depuis la fin du XIXe siècle, une femme noire est jetée en pâture, ce n'est pas admissible", poursuit Karfa Diallo.
On ne peut croire que ce soit un hommage adressé à cette femme. Il y a beaucoup de mauvaise foi dans cette affaire.
Karfa DialloMémoires et Partages
"Ce mot n'est pas insultant"
De son côté, Pierre Cambot, avocat de la ville de Biarritz, évoque des regrets : "des regrets qu'on en soit là, qu'on ne cherche pas l'explication et qu'on stigmatise la ville de Biarritz et ses habitants qui sont présentés comme accrochés à une formule péjorative et insultante. Or, ce n'est pas que ça", maintient-il. "Aujourd'hui, on va essayer de juger l'histoire, alors qu'il faudrait peut-être la comprendre".
On est dans une indignation que je crois légitime, mais qui, je crois, est anachronique.
Me Pierre CambotAvocat de la ville de Biarritz
Pour l'avocat, cet anachronisme est lié à l'évolution de la portée du mot négresse. "Lorsque ce terme, qu'aujourd'hui, on a du mal à dire, apparait dans la ville de Biarritz au début du XVIIIe siècle, il n'a pas de valeur péjorative ou insultante. C'est un terme qui désigne étymologiquement les personnes de couleur noire. Il n'aura son sens insultant, qui n'est pas discuté, que plus tard", défend l'avocat.
Me Cambot poursuit son argumentation en s'interrogeant sur la légende qui est associée à l'appellation du quartier, évoquant une autre explication, toponymique cette fois et liée à la terre argileuse des lieux.
"Qu'il y ait eu une femme ou pas, ce mot n'est pas insultant. Et c'est ce sens-là qui doit perdurer", insiste l'avocat. Et c'est pour ça que la ville de Biarritz se propose d'apposer une plaque commémorative pour lever ce doute et expliquer que non, ce ne sont pas des provinciaux archaïques qui s'accrochent à une insulte, c'est beaucoup plus profond que ça".
La décision de la cour d'appel administrative est attendue pour la fin février.