Depuis le 27 septembre, le conflit armé qui couve depuis des années a repris au Haut-Karabakh, une enclave peuplée majoritairement par les Arméniens en Azerbaidjan, et qui revendique son indépendance. À Poitiers, la diaspora arménienne se mobilise pour aider son pays d'origine.
"Mon cousin n'avait que 18 ans", témoigne en pleurs Nariné Voskanyan. Elle nous reçoit dans son appartement de Buxerolles, à Poitiers. Cette trentenaire est arrivée en France il y dix ans, en quête d'une vie meilleure. Hormis ses deux enfants, toute sa famille vit encore en Arménie.Le 27 septembre, lorsque le conflit armé reprend au Haut-Karabakh (territoire que les Arméniens appellent Artsakh), elle s'inquiète pour ses proches, dont son jeune cousin. "Il venait de commencer son service militaire depuis deux mois".
Grâce aux réseaux sociaux et en échangeant très fréquemment avec sa famille, Nariné fait tout pour suivre la situation à distance, très inquiète. "Sans savoir ce qu'il se passe en Arménie, je ne peux pas vivre", confie-t-elle.
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Quelques jours seulement après le début des hostilités, la Poitevine d'adoption apprend que son cousin a été tué lors d'une attaque. "Il se trouvait à Hadrout, la ville la plus touchée par les bombardements, et son unité a été prise pour cible lorsqu'ils sont sortis d'une cave où ils avaient trouvé refuge", raconte-t-elle.
Mais alors qu'un bref cessez-le-feu avait été conclu le 10 entre l'Arménie et l'Azerbaidjan, la trêve humanitaire n'a pas été respectée et le conflit se poursuit, coûtant quotidiennement la vie à des civils.
Depuis longtemps, Nariné économisait pour pouvoir emmener ses deux enfants passer Noël en Arménie avec sa famille. Mais ses plans semblent aujourd'hui compromis, et "mes parents ne veulent plus qu'on vienne", regrette-t-elle.
Vidéo France 2 : Conflit dans le Haut-Karabakh : pourquoi la région est si convoitéeComme Nariné, de nombreux Arméniens se sont installés à Poitiers. "Nous sommes au moins un millier", estime Anush Grigoryan. La jeune femme a créé l'association arménienne Hayer de Poitou et s'investit beaucoup dans son quartier des Trois Cités, notamment au sein du centre socio-culturel.
Elle-même est arrivée en France en 2010 avec sa famille, sans papiers, et a connu plusieurs années difficiles, avant que sa situation administrative soit régularisé en 2015. Grâce à son titre de séjour, Anush a pu se mettre à travailler comme animatrice auprès de jeunes enfants.
Très active, c'est elle, qui, après le début du conflit, a organisé une manifestation le 1er octobre devant l'ancien palais de justice de Poitiers, puis une collecte de denrées alimentaires et de médicaments qui doivent être envoyés au Haut-Karabakh.
"Les gens ont été très généreux, nous avons réussi à collecter douze palettes complètes", se réjouit Anush. "Il n'y pas que des membres de la diaspora arménienne qui se sont mobilisés, mais aussi des gens qui ont un lien avec un Arménien dans la région, et ont donné des médicaments, par exemple". Le Secours Populaire de Poitiers lui a aussi remis un don de 5.000 euros, qu'elle va transmettre au Fonds Arménien de France.
La collecte s'est organisée devant l'épicerie arménienne Ararat Mix Market, lieu de rencontre des Arméniens de Poitiers.
Haykaz Avetisyan, son gérant, continue de récolter des dons de la part de ses clients, de commerçants du quartier, etc. Sur son comptoir trône une boite destinée à recueillir de l'argent pour l'Artsakh ou Haut-Karabakh. Il estime qu'"au moins 300 familles" arméniennes vivent à Poitiers ou ses alentours.
Nariné, Anush et Haykaz ont apprécié la prise de position récente du président français Emmanuel Macron.
Ce dernier a en effet dénoncé le 2 octobre le déploiement de jihadistes syriens passés par la Turquie pour rejoint le Haut-Karabakh, comme le rapporte France24.
Tous trois demandent aujourd'hui à la communauté internationale et à la France de se mobiliser aux côtés de l'Arménie.
Ce mardi 13 octobre, une manifestation est organisée devant l'Assemblée nationale à Paris par la diaspora arménienne, pour demander la reconnaissance internationale de l'Etat indépendant d'Artsakh.
La mobilisation continue !
— CCAF France (@ccaf_france) October 10, 2020
?RDV mardi 13 oct à 18h devant l’Assemblée nationale pour la reconnaissance de l’#Artsakh ????
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