Quand le froid s'installe, les SDF sont les premières personnes à souffrir des températures basses. À Poitiers, les maraudes des associations sont plus importantes pour leur venir en aide et leur apporter de quoi se réchauffer.
La nuit est tombée, le froid se fait plus mordant. Il fait -1° en ce soir de janvier à Poitiers. Kévin, Sophie et Valérie ont pris leur service à La Croix-Rouge. Ils sont bénévoles. Ce soir, ils vont tenir la maraude, aller au-devant des SDF.
À l’arrière du camion, ils ont fait le plein de soupe, de café, d’eau et de sandwichs. Direction la gare.
« Une petite sucrerie ? Un petit gâteau ? » Sur le parking d’une concession automobile, ils ont installé leur camp de base. Et se soucient de la situation des personnes qui croisent leur chemin.
En faisant le tour des halls de la gare, ils croisent des habitués. « Antoine, tu n’as plus ton terrain avec ta caravane ? Est-ce que tu as essayé d’appeler le 115 ? On peut essayer de le faire avec toi. »
Avec le chiot au bout de la laisse
Et de nouvelles têtes. Nathanaël est arrivé avec le train. Il débarque de Châtellerault, il est en route vers la Charente pour prendre un petit appartement. Un saisonnier sans travail en hiver. Et un chiot au bout de la laisse. « C’est hyper agréable de tomber sur des gens qui font des maraudes. » Les bénévoles de La Croix-Rouge vont lui trouver une chambre d’hôtel pour la nuit. « Il y a une semaine, j’étais à la gare Montparnasse par -4 degrés. Avec le chien, c'était un peu dur. J’ai dû l’abriter dans le blouson. »
Le temps de l’hiver, 250 hébergements d’urgence sont disponibles dans la Vienne. « Ils ont ouvert l’auberge de jeunesse à Bellejouanne », expliquent Sophie et Valérie en préparant les sandwichs et les cafés. « Il y a moins de gens à la rue. Les femmes et les enfants sont logés là-bas. » Les deux femmes racontent les personnes en galère, les personnes sous addiction, les jeunes en rupture familiale, les enfants placés qui, à 18 ans, se retrouvent livrés à eux-mêmes.
La maraude, pour La Croix-Rouge, c’est toute l’année, mais au moment où les températures s’effondrent, la vigilance augmente. « Il y a des personnes sans solution qui ne connaissent pas le 115 ou qui ne l’appellent pas et c’est vraiment le public prioritaire que nous visons pour apporter un minimum de chaleur », ajoute Kévin. « Nous expliquons le fonctionnement du 115 et lors des premières rencontres, ils n’acceptent pas forcément un hébergement, mais cela sert à établir du lien et à mettre en place de la confiance pour qu’au final, nous puissions leur proposer des choses en matière d’insertion. »
La soirée sera marquée par l’intervention auprès d’un homme alcoolisé, en grande difficulté, incapable de tenir debout seul. C’est la police municipale qui prendra le relais et sortira l’homme du grand froid.
Dehors avec la grippe
Il y aura ce couple, une vingtaine d’années. Des habitués. Pour qui le 115 ne trouvera pas de place. Leur seule solution sera un parking avec les couvertures qu’ils possèdent. Le jeune homme est malade. Il tousse. Une forme de grippe. Et puis, une femme seule avec un enfant, une habituée aussi, qu’il faudra aller secourir dans les rues de Poitiers.
Kévin, Sophie et Valérie vont ainsi tenir la permanence jusqu’à minuit.
En journée, le froid est plus facile à vivre. Car il existe plusieurs accueils de jour, dont La Coquille, celui du Secours catholique. Il est en plein centre-ville. « Ce matin, nous avons eu 50 personnes, c’est la fourchette basse, malgré le froid. Il n’y a pas de logique », indique Philippe, le responsable du lieu. Mais une journée ne fait pas l’autre et en ce moment, ils sont plus nombreux à pousser les portes de ce centre qui permet de boire un café, de laver ses habits, de faire un brin de toilette.
Rodé au froid
Nono est à la rue depuis six ans, même si depuis quatre ans, il a une copine qui l’héberge régulièrement. « Le premier hiver, je n’avais même pas de toile de tente. Je vivais sous un porche devant un commerce. » Il fréquente quotidiennement cet accueil de jour. « Je viens chercher le contact avec les copains, histoire de voir s’il n’y en a pas trop dans la galère. » Nono est rodé au froid. « Dans mon cas, cela ne se passe pas trop mal, car j’ai un bon équipement, un duvet militaire et des sous-vêtements thermiques. Si on est bien équipé, ça peut passer, sinon, c’est une très grosse galère. »
À La Coquille, les SDF ont au moins un point de chute avec de la chaleur. « Dans ces moments-là, ils viennent chercher un coin au chaud pendant quelques heures », raconte encore Philippe, le responsable. « Nous voyons arriver de nouvelles personnes qui ne viennent que pour un café. »
Le plan « Grand froid » n’a cependant pas été activé par la préfecture. Les températures vont redevenir positives en Poitou-Charentes dès ce jeudi 16 janvier.