La ville va racheter cette maison, chargée d'une lourde histoire, pour couper court à une controverse sur la vocation de cet ancien lieu de torture de la seconde guerre mondiale. Un site qui devait être rasé pour construire des logements sociaux.
La "maison de la Gestapo" est une bâtisse de 1885, sur deux étages, que les occupants allemands réquisitionnèrent pendant la seconde guerre mondiale et dans laquelle le Sicherheitsdienst, service de renseignements des nazis, mena des interrogatoires de résistants audois ou espagnols.
Comme un pied de nez à l'Histoire, elle hébergera, finalement, après de gros travaux de réhabilitation évalués à 500.000 ou 600.000 euros, les organisations locales de défense des droits de l'Homme, a indiqué à l'AFP le maire socialiste de Carcassonne, Jean-Claude Perez.
Située dans un quartier résidentiel populaire, totalement délabrée, elle s'est retrouvée cet été au coeur d'une polémique mêlant défense de la mémoire et opposition de riverains à la construction de logements sociaux près de chez eux.
La maison, retombée entre des mains privées après la guerre, a été rachetée avec sa parcelle il y a plusieurs années par l'office HLM Habitat audois. Habitat audois veut édifier là des logements sociaux. Il comptait raser le bâtiment.
La "maison de la Gestapo", ainsi dénommée par une facilité de langage puisque c'est le Sicherheitsdienst qu'elle abritait, est répertoriée dans différents livres.
Mais sa portée mémorielle s'est perdue avec le temps: parce que les résistants ont eux-mêmes disparu; que l'endroit n'est plus qu'une lointaine évocation de ce qu'il fut; et que sa signification a été occultée par l'hostilité de riverains à la construction des logements sociaux dans leur quartier.
Des riverains inaudibles
C'est quand le panneau de démolition est effectivement apparu sur la bâtisse en juin que l'histoire de la Résistance a pris le dessus sur les histoires de voisinage, conviennent le maire et le blogueur local Martial Andrieu.
Martial Andrieu, chanteur lyrique et défenseur du patrimoine carcassonnais, sonnait l'alarme depuis des années sur le devenir de la maison, mais a vraiment "vu rouge" à ce moment-là. Son blog et sa page Facebook ont alors attiré non seulement les expressions de soutien, mais les témoignages d'enfants et de veuves de résistants sur ce qui s'était passé à l'époque entre les murs du 67, route de Toulouse.
M. Andrieu refusait que l'on "élude la mémoire des guérilleros espagnols et des résistants". Les riverains invoquaient eux aussi le passé de la maison pour s'opposer aux logements sociaux, mais ils étaient inaudibles car suspects de parti pris, dit-il.
Le maire abonde: "La maison, ils (les riverains) s'en moquent. La réalité, c'est qu'ils ne veulent pas d'Arabes".
Il a été sensible aux témoignages recueillis par le blogueur et la maison sera préservée, dit-il. Mais les logements sociaux, dont le nombre a été réduit de 80 à 40, seront bel et bien construits sur le terrain derrière la maison, dit-il.
La querelle a conduit la municipalité à commander une étude sur les sites carcassonnais réquisitionnés par les Allemands. Le parc de la maison va être sondé pour savoir s'il renferme un charnier comme l'a rapporté un témoignage accueilli avec beaucoup de scepticisme. L'histoire précise de ce qui s'est passé dans la maison est, elle, une affaire compliquée: les Allemands ont brûlé tous les documents en partant et les précieuses archives du procès d'un des collaborateurs du Sicherheitsdienst ne pourront pas être ouvertes avant plusieurs années, dit Martial Andrieu.