Le Dr Victor Fallouh est syrien. Installé dans l'Aveyron, il a fondé l'association Enfance France-Syrie et devait se rendre dans quelques jours dans son pays d'origine. Un voyage qu'il a annulé compte tenu des évènements. Que pense-t-il du départ de Bachad al-Assad et de l'arrivée des rebelles à Damas ? Entretien.
L'entrée du groupe des rebelles islamistes syriens à Damas et l'annonce du départ de Bachard al-Assad, ce dimanche 8 décembre 2024, a quelque peu surpris le Dr Fallouh. La rapidité à laquelle les choses se sont déroulées, le laisse perplexe, nous confie-t-il au téléphone. "Franchement, c'est allé très vite cette capitulation. Celle d'Alep, puis Hama, puis Homs. C'est comme si ça avait été étudié à l'avance, estime le cardiologue. Il y avait un retrait étrange d'Alep, peut-être pour épargner le sang, c'est ce que je me dis, en attendant les négociations."
Depuis l'Aveyron, Victor Fallouh suit quasiment minute par minute ce qui se passe en Syrie. "J'avais des informations disant qu'une proposition a été faite à Bachar al-Assad pour reconstruire la Syrie et faire la paix avec Israël." Mais le président de la République syrienne aurait sûrement dû faire des concessions. "Je pense qu'on a dû lui dire : si tu n'acceptes pas ce qu'on va te proposer, pars, parce que ça va mal aller", nous livre le médecin.
"Des gens barbus avec des kalachnikovs" pour représenter la Syrie ?
Le Dr Victor Fallouh a du mal à qualifier ces rebelles syriens qui auront mené une offensive éclair pour mettre fin au régime d'al-Assad. Le groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS). "Je ne sais pas s'il faut voir ces gens barbus avec des kalachnikovs, si cela reflète la réelle Syrie, s'interroge-t-il. On était habitué à en voir dans des zones bien précises avec l'armée, mais ça faisait partie, on va dire, de l'image de jour. Tandis que là, toute la nuit, les gens ont tiré en l'air, ils fêtaient ça."
Les armes, le médecin les déteste. Et ces rebelles, "je ne sais pas quel nom leur donner. Certes, parmi eux, il peut y avoir des gens bien, mais n'oublions pas qu'à la base ce sont quand même des fous. Ils ont peut-être changé, mais cela reste des terroristes. C'est ça qui m'effraie un peu", finit-il par dire au cours de notre conversation.
Victor Fallouh est aujourd'hui très partagé. Lui qui a fondé l'association Enfance France-Syrie en 2012 se désole de la situation dans son pays. Pas de moyens essentiels pour vivre. 'C'est triste. Tout est devenu cher et les gens sont dans un état déplorable", dit-il. "Je crois que Bachar al-Assad a quand même commis une faute grave de ne pas donner au peuple ce qu'il voulait une fois que la guerre s'est arrêtée." Et le médecin semble aujourd'hui vouloir dire qu'il aurait préféré que ce soit le peuple syrien qui demande le départ d'al-Assad après tant d'années de souffrance. Et non par l'arrivée d'un groupe de rebelles islamistes emmené par Abou Mohammad al-Jolani.
"Une entrée en paix, et c'est tant mieux"
Le médecin tient à souligner qu'il n'y a pas eu de morts parmi les civils lors de cette prise de contrôle à Damas. C'est très important, dit-il. "Les retours pour l'instant sont positifs. C'est une entrée en paix et tant mieux. De même que ce retrait de l'armée loyale, c'est une manière d'épargner le sang. Il n'y a pas eu de confrontation sauf dans quelques zones au départ."
Le fait que le Premier ministre ait décidé de rester pour assumer ses fonctions, le rassure également. Cela montre une certaine conciliation, aux yeux de Victor Fallouh. "C'est très important que l'État reste à la tête pour qu'il n'y ait pas davantage de drames et de bazar en Syrie. Surtout qu'on connaît les difficultés économiques du pays."
"La seule chose qui me fait peur, ce sont les armements qu'ils ont. Et qu'à un moment, il y a des dérives", ajoute-t-il. Ce dimanche après-midi, les factions rebelles emmenées par les islamistes radicaux de Hayat Tahrir al-Sham (HTS) ont déclaré sur leur chaîne Telegram un "couvre-feu à Damas de 16h00 jusqu'à 5h00 du matin lundi.