Le ministère de l'Intérieur se défend face à une vive polémique après la série de ratés qui ont permis à trois présumés djihadistes de s'évaporer dans la nature à leur retour de Turquie. Les 3 hommes se sont rendus ce matin à la gendarmerie du Caylar (34).
Les trois hommes suspectés d'être proche de mouvements islamistes radicaux se sont finalement rendus dans la matinée à la gendarmerie du Caylar (Hérault). Ils ont été immédiatement placés en garde à vue et devaient être remis aux policiers de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), selon des sources proches du dossier.
Mais les questions demeurent. Comment trois hommes connus des services de renseignement, proches de la mouvance islamiste radicale et liés à Mohamed Merah, ont-ils pu atterrir mardi en France sans que les autorités françaises en soient averties? Comment ont-ils pu passer le plus légalement du monde entre les mailles des contrôles de l'aéroport de Marseille? Et comment le ministère de l'Intérieur a-t-il pu annoncer leur interpellation
à l'aéroport d'Orly alors qu'elle n'avait jamais eu lieu?
Le ministre de la Défense Jean-Yves le Drian a reconnu un "gros cafouillage", un "couac" entre autorités françaises et turques. Pour de nombreux observateurs, il s'agit surtout d'un inquiétant fiasco alors que la menace terroriste s'est accrue ces derniers jours avec l'appel au meurtre de Français par le groupe djihadiste Etat islamique et l'enlèvement d'un randonneur français en Algérie.
Fustigeant l'"amateurisme" du gouvernement, plusieurs députés d'opposition, dont Bruno Le Maire, Eric Ciotti et Pierre Lellouche, ont réclamé des enquêtes administrative ou parlementaire.
Longtemps silencieux la veille, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a balayé ce mercredi une polémique "excessive" et "politicienne". Pour autant, il a annoncé avoir demandé une enquête à l'Inspection générale de l'administration et à la "police des polices" qui "fasse le point sur l'ensemble des événements".
- Inspection administrative -
Les résultats de cette inspection lui seront rendus "dans les meilleurs délais" pour que le Parlement puisse en disposer et déterminer "les modalités du contrôle qu'il entend exercer sur le gouvernement", a-t-il ajouté. Il a aussi promis de se rendre "prochainement en Turquie" pour éviter de nouveaux "dysfonctionnements".
Imad Jjebali, Gael Maurize et Abdelouahab El Baghdadi, détenus en Turquie après leur retour de Syrie, devaient être expulsés mardi vers Paris, selon le ministère. Le pilote ayant refusé de les embarquer, les services turcs ont décidé de les renvoyer par un vol à destination de Marseille, a expliqué la place Beauvau. Problème: les services français ont été informés de ce changement de vol après leur arrivée en France.
Selon une source policière, une "note d'attention" prévenant de leur arrivée a bien été diffusée à la police aux frontières mais a été reçue à Marseille une heure trop tard. Le système de contrôle Cheops (Circulation hiérarchisée des enregistrements opérationnels de la police sécurisés), qui centralise quasiment tous les fichiers de police et de gendarmerie, était en panne mardi, ont expliqué des sources policières à l'AFP. Est-ce l'origine du cafouillage? Difficile à dire, car les contrôles de passeports ne sont pas systématiques pour les ressortissants français, relèvent certaines sources.
Après une nuit dans la nature, les trois hommes se sont donc rendus. "Je suppose qu'ils vont être transférés assez rapidement en région parisienne à Levallois-Perret", au siège de la DGSI, a expliqué Me Legros-Gimbert, conseil de Gaël Maurize. Selon lui, les trois compagnons "étaient rassurés de pouvoir arriver en France" après s'être rendus compte que "les raisons pour lesquelles ils sont partis" en Syrie "n'étaient pas forcément les bonnes".
Abdelouahab El Baghdadi, 29 ans, est le mari de Souad Merah, la soeur de Mohamed Merah, tué par la police en mai 2012 après avoir assassiné au nom du jihad sept personnes - dont trois enfants d'une école juive -, à Toulouse et Montauban. Gaël Maurize était domicilié à Albi où une autre filière jihadiste a été démantelée cet été. Le troisième homme, Imad Jjebali, 27 ans, "très lié" à Mohamed Merah et qui a grandi dans le même quartier toulousain, les Izards, avait lui été condamné en 2008 dans une affaire de filière jihadiste en Irak, dite filière d'Artigat, du nom d'un village d'Ariège supposé être la base de repli de l'équipe.