Le temps des moissons a commencé en Pays Gardois. Une récolte tardive du blé tendre due à la sécheresse. Pour l'atelier de la famille Bastide à Nîmes, le facteur météo est un ingrédient supplémentaire dans le lot de difficultés que connaît la profession à l'heure actuelle.
À Nîmes, ces derniers jours, le thermomètre tutoie à certains endroits les 40°C. C'est donc sous un soleil de plomb que Rémi, producteur de blé, débute la moisson de ses champs de blé tendre. Une moisson 2023 qui démarre avec du retard. La faute à la météo. Dans sa cabine climatisée, ce n'est donc pas la suspension de l’accord sur les exportations des céréales ukrainiennes par la Russie qui inquiète le jeune céréalier.
Ça ne nous impacte pas directement car on vend les céréales en direct. On transforme, on fait de la farine, des pâtes... Ça va plutôt impacter les producteurs qui vont en coopérative. Nous, ce qui nous inquiète, c'est le prix des intrants, tout ce qui est engrais, produits phytosanitaires, semences qui ne font qu'augmenter. Alors que le prix des céréales a tendance, lui, à baisser.
Rémi Bastide, Agriculteur producteur de blé Nim’GRAIN
2023, la récolte du blé en baisse dans le Gard
Et si le Pays Gardois connaît cette année une sécheresse exceptionnelle, pour Rémi Bastide ce n'est pas particulièrement la chaleur estivale qui a retardé la moisson. "On commence en retard déjà parce que nous avons semé un peu plus tard. On n'a pas pu semer dans les temps au mois d'octobre. Il y a eu de la pluie en novembre et décembre donc on a semé mi janvier, fin janvier. Les pluies du mois de mai ont retardé les foins et du coup les moissons."
Selon les prévisions d'Agreste établies le 1er juillet dernier, la récolte de blé tendre serait en hausse cette année en France. L'organisme public d'études et de statistiques sur l'agriculture annonce une production de blé tendre estimée à 35 Mt, en hausse de 3,9% dans l'hexagone par rapport à la récolte de 2022 et de 1,8% par rapport à la moyenne 2018-2022. L'Agreste parle d'un rendement qui progresse à 73,4q/ha contre 71,7q/ha en 2022. Mais du côté de Nîmes, la tendance n'est pas à la fête.
Les températures qu'on a actuellement n'impactent pas la moisson. C'est plutôt la sécheresse qu'on a eue de janvier à mai qui impacte les rendements. On accuse une baisse de rendement de moitié sur le blé.
Rémi Bastide, Agriculteur producteur de blé Nim'Grain
Hausse du gasoil, des semences, des engrais, de l'électricité
Outre l'augmentation des frais liés aux intrants et au gasoil, aujourd'hui c'est la flambée des coûts de l'électricité qui met en danger l'activité de l’entreprise familiale Bastide. Agriculteurs mais aussi meuniers, père et fils produisent des farines à l'ancienne sur la Plaine du Vistre et de Saint-Césaire. Une production destinée à la vente directe aux particuliers. Devenue une référence en matière de qualité, la société possède deux moulins mécaniques, la petite entreprise artisanale produit traditionnellement entre 20 à 30 kilos de farine dans chacune de ces deux meules.
On a choisi de transformer notre grain pour avoir une meilleure valeur ajoutée. Pour ça, on a un tas d'outils électriques pour trier le grain, le nettoyer, le moudre, l'ensacher ... Et donc nous avons des frais liés à l'électricité qui sont en augmentation. L'an dernier, nous étions à 10.000€ de frais annuel. En janvier, nous avons eu plus 300% d'augmentation, donc on est à peu près à 50.000€ de frais.
Marc Bastide, Agriculteur producteur de blé Nim’Grain
Des répercussions impactantes pour les agriculteurs déjà loin d'être épargnés par l'inflation des matières premières et des fluides. Depuis plusieurs mois, les Nîmois sont contraints de réfléchir à des solutions pour faire baisser les coûts de l'énergie. Ils prévoient à terme d'installer des panneaux photovoltaïques pour acquérir une autonomie énergétique et ainsi "garder la valeur ajoutée de la transformation des produits."
Nous sommes obligés de nous adapter pour que l'exploitation qu'a reprise mon fils puisse continuer. Nous serons obligés d'avoir un outil pour produire de l'électricité, qui ne peut être que le photovoltaïque, pour garder un outil d'exploitation pérenne.
Marc Bastide, Agriculteur producteur de blé Nim'Grain
Sécheresse, inflation ou encore accords économiques internationaux, c'est le temps de l'incertitude. Si les exploitants poursuivent leur activité en espérant des jours meilleurs, ce qui est certain c'est que cette saison, Rémi et Marc ne récolteront que 30 tonnes de blé tendre contre 60 tonnes l'an passé.