Affaire Borrel: des scellés "importants" détruits par la justice

Des scellés "importants" ont été détruits dans l'enquête sur l'assassinat à Djibouti du magistrat toulousain Bernard Borrel, énième revers dans une affaire qui reste non élucidée 20 ans après.

70 objets auraient été détruits
La garde des Sceaux Christiane Taubira a ordonné jeudi une enquête de l'Inspection générale des services judiciaires. La ministre de la Justice "prendra les décisions qui s'imposent au vu des conclusions de cette inspection", affirme le ministère dans un communiqué.
Ces scellés "importants, environ 70 objets" selon la famille du magistrat, ont été détruits le 4 décembre 2014.
Parmi ces pièces, un briquet, un short, une montre, une sandale et des bidons d'essence retrouvés sur les lieux, mais aussi des radiographies de la première autopsie effectuée sur le corps de Bernard Borrel.

Acte de malveillance ?
La destruction a été opérée à la suite d'une mention erronée dans le dossier, indiquant qu'une ordonnance de non-lieu a été rendue le 19 septembre 2003.
"Vu l'historique de l'affaire Borrel, l'acte de malveillance ne peut pas être exclu. La mention erronée n'est ni datée ni signée ce qui soulève des interrogations", a estimé Laurent de Caunes, conseil des deux enfants du juge, lors d'une conférence de presse.
Il a été reçu en fin de matinée avec la veuve du magistrat, Elisabeth Borrel, et ses enfants par le président du tribunal de grande instance de Paris, Jean-Michel Hayat, et le procureur de la République, François Molins.

Un désastre judiciaire
Olivier Morice, avocat d'Elisabeth Borrel, a dénoncé "un désastre judiciaire qui compromet la suite de l'enquête". Il envisage de porter plainte contre X pour faux en écriture.
Magistrat détaché à Djibouti, Bernard Borrel avait été retrouvé mort le 19 octobre 1995, le corps en partie dénudé et carbonisé, en contrebas d'un ravin, à 80 km de Djibouti.
L'enquête française, ouverte depuis 1997, a d'abord privilégié la thèse du suicide. Le juge, 39 ans, se serait aspergé d'essence, aurait allumé un briquet puis dévalé une pente à pic, le corps embrasé. Elle s'est depuis réorientée sur la piste d'un assassinat.

Les pièces détruites devaient être analysées
La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a demandé en septembre que de nouveaux actes soient effectués notamment l'analyse d'une sandale, d'une trace papillaire sur un briquet et du carburant utilisé pour l'immolation.
Fin octobre, le juge d'instruction chargé de l'enquête a contacté le service des scellés. A cette occasion, "il a découvert que les objets, conservés au Palais de justice de Paris, avaient été détruits", a relevé Me Laurent de Caunes. Les pièces se trouvant dans une annexe du tribunal, rue des Italiens, ont été conservées.
"Certaines expertises ne pourront plus être menées. Ce qui est encore plus grave, c'est qu'aucune contre-expertise ne pourra être réalisée", a regretté Elisabeth Borrel.

Une affaire qui a empoisonné les relations France-Djibouti
L'affaire Borrel a empoisonné pendant des années les relations entre Paris et son ex-colonie, où la France dispose d'une de ses plus importantes
bases militaires à l'étranger.
Vingt ans après, l'enquête piétine. Les dernières demandes de déclassification sont restées lettre morte et l'un des principaux suspects, Awalleh Guelleh, à l'encontre duquel un mandat d'arrêt a été délivré en 2006, est peut-être décédé.
"Certains magistrats continuent à soutenir que mon mari a pu tomber sur de petits malfrats", a déploré la veuve du juge.

Un crime d'état
Elle reste persuadée qu'il s'agit d'"un crime d'État qui pourrait impliquer l'actuel président djiboutien, Ismaïl Omar Guelleh", alors chef de cabinet de son prédécesseur Hassan Gouled Aptidon.
Elle s'appuie notamment sur le témoignage de Mohamed Saleh Alhoumekani, lieutenant de la garde présidentielle djiboutienne. L'homme a affirmé avoir entendu cinq hommes rendre compte de la mort du "juge fouineur" à Ismaël Omar Guelleh.
"Il devient impératif que nos demandes de déclassification soient entendues" notamment celles qui concernent les autorités djiboutiennes, a souligné Elisabeth Borrel.
"Il faut aussi qu'on s'attache à faire parler les ADN recueillis et à en prélever d'autres", notamment pour identifier une empreinte génétique inconnue retrouvée sur le short de Bernard Borrel en 2006, a-t-elle ajouté.
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