Un jeune étudiant toulousain a eu de la chance. Il a retrouvé ses papiers déclarés volés. Un soulagement de courte durée car il est confronté à un casse-tête pour retirer sa plainte. Une histoire qui raconte le manque d'effectif dans le principal commissariat de Toulouse.
La mésaventure peut arriver à n'importe qui à n'importe quel moment. Un jeune étudiant toulousain découvre que son portefeuille a disparu de la poche de son sac à dos. Impossible de retrouver cartes bleues, pièce d'identité, permis de conduire, carte vitale, carte d'assurance maladie européenne et de l'argent liquide. Il laisse passer 24 heures dans l'espoir de remettre la main sur les précieux documents. Par précaution, il se contente de bloquer les CB et il contacte, sans succès, les "objets trouvés".
Il finit par déposer une pré-plainte, par précaution, afin d'éviter toute utilisation frauduleuse de sa carte nationale d'identité ou de son permis de conduire. Quelques heures après, le "miracle" se produit. L'accueil de l'université appelle. Le portefeuille a été trouvé et ramené avec l'intégralité de son contenu. Y compris les vingt euros en billet. L'histoire aurait pu connaître une fin heureuse et même inespérée. Mais c'était sans compter sur le parcours du combattant pour...retirer la plainte.
Retirer la plainte pour ne plus être fiché
Mais la formalité n'est pas si simple. Un policier, contacté par téléphone, regrette que trop de personnes oublient de signaler qu'elles ont retrouvé leurs papiers alors qu'elles les ont déclarés volés. Et pour cause. En effet, cette négligence n'est pas sans conséquence. La déclaration d'un vol de papier conduit à une inscription dans un fichier intitulé FOVeS (Fichier des Objets et Véhicules Volés).
Si notre jeune étudiant ne veut pas avoir de soucis lors d'un contrôle d'identité ou simplement d'un voyage en avion, il doit impérativement revenir sur sa plainte. C'est simple. Mais cela relève du challenge.
Une pré-plainte passe par quelques clics sur un site internet. En revanche, un retrait suppose de se déplacer physiquement dans le commissariat destinataire de la pré-plainte informatique. La mère du jeune étudiant se renseigne en téléphonant à l'unité de police en question à savoir le commissariat central de Toulouse, boulevard de l'Embouchure.
Et là, le verdit tombe. "C'est 5 heures d'attente et le mieux est de passer quand il y a le moins de monde vers 2 heures du matin", souligne l'interlocuteur au bout du fil.
Des péripéties loin d'être anecdotiques
On connaît le délai d'attente pour se faire soigner aux urgences. Les services publics de la police s'alignent sur les "normes" hospitalières. Pour trouver une solution, le jeune étudiant (originaire du Tarn) pense avoir trouvé une formule : retirer sa plainte dans un commissariat de son département d'origine. Un commissariat, par définition, moins grand et donc a priori moins encombré et difficile d'accès que le "central" de l'Embouchure.
Mais, ce n'est pas possible. C'est en tout cas l'affirmation de la sécurité publique du Tarn. Seul le commissariat de Toulouse est compétent pour effectuer le retrait de la plainte. Retour à la case départ et aux "5 heures d'attente"... Ou à un déplacement nocturne vers "2 heures du matin".
Il ne restait que deux options à notre jeune étudiant. Sécher les cours ou un TD obligatoire et se lancer dans un exercice de patience de plusieurs heures dans une salle d'attente ou bien mettre son réveil pour passer une partie de la nuit au commissariat.
Heureusement pour lui, la bonne volonté et la bienveillance d'un policier de l'Embouchure doivent lui permettre de sortir du tunnel dans les prochains jours. Les péripéties du jeune étudiant peuvent paraître anecdotiques. Mais, en réalité, elles traduisent une réalité bien plus profonde : le manque chronique et criant d'effectifs au commissariat de Toulouse.
Un commissariat en "sous-effectifs"
Ce jeudi 16 décembre, le standard du commissariat de l'Embouchure était ouvert et assuré par un "civil". Mais il n'y avait aucun effectif policier pour tenir l'accueil téléphonique. L'opérateur au bout du fil livre une explication : "un problème de personnel aujourd'hui".
Il y a quelques mois, un syndicaliste policier de passage au commissariat de Toulouse s'étonne du (faible) nombre d'équipages "police-secours" en vacation sur le week-end. Ils sont aussi "nombreux" pour une métropole de plus de 520 000 habitants que pour une ville dix fois moins peuplée.
Ces deux faits renvoient à une réalité bien connue. Il manque des effectifs policiers et pas uniquement, bien sûr, pour prendre des plaintes ou accueillir le public. Depuis des années, les syndicats policiers demandent plus de moyens.
Le maire de Toulouse monte également régulièrement au créneau. En octobre 2022, Jean-Luc Moudenc a signé un "contrat de sécurité" afin d'obtenir des renforts policiers. Il dresse un bilan positif de ce dispositif.
Les 115 postes de policiers nationaux supplémentaires que j'avais demandés et obtenu dans le cadre du Contrat de Sécurité Intérieure ont été effectivement créés et pourvus. Il s'agit de la plus grosse progression d'effectifs de police nationale dont notre ville a bénéficié.
Jean-Luc Moudenc Maire de Toulouse
Néanmoins, Jean-Luc Moudenc précise : " la croissance de la ville s'est poursuivie et la violence n'a pas cessé dans la société française. Donc je vais demander une rallonge en vertu d'une clause de revoyure que j'avais fait inscrire dans le Contrat de Sécurité Intérieure, activable une fois créés les 111 postes convenus. Bruno Retailleau (ndlr : ministre de l'Intérieur) m'a donné son accord de principe. La discussion va s'ouvrir avec le préfet".
130 dossiers par enquêteurs
Pour le secrétaire départemental du syndicat de police UN1TÉ 31, "le gros point noir, c'est l’investigation et le judiciaire". Il manque des Officiers de Police Judiciaire (OPJ) ou des Agents de Police Juidiciaire (APJ). Pour Christophe Amans, cela explique notamment que ce soit compliqué pour les dépôts de plainte au commissariat central de Toulouse.
Une pénurie qui, d'ailleurs, ne s'explique pas forcément par un manque de poste. Christophe Amans souligne qu'il existe "un important problème de vocation dans le judiciaire". Le métier est trop contraignant et pas assez attractif, qu'il s'agisse du volume horaire et de la charge de travail.
INVESTIGATION
— UN1TÉ (@UN1TE_policenat) January 14, 2025
🟥130🟥
C’est le nombre moyen de dossiers par enquêteur au 31 décembre 2024.
+ 9,2% en seulement un an !
Rien ne semble pouvoir infléchir la courbe et diminuer le poids de cette charge mentale qui pèse chaque jour un peu plus sur les enquêtrices/enquêteurs.
Des… pic.twitter.com/mryXkbfjCw
La situation pourrait cependant évoluer. Toulouse a été choisie comme "ville test" au niveau national pour expérimenter la semaine de 4 jours dans les services judiciaires. Pour Christophe Amans, cette nouvelle organisation est "très appréciée par (ses) collègues. Cela permet de concilier vie professionnelle et contraintes familiales mais aussi de mieux gérer les dossiers".
Le représentant d'UN1TÉ 31 espère d'ailleurs que " l'expérimentation sera pérennisée et étendue à l'ensemble du territoire national ".