Dans le quartier du Mirail à Toulouse (Haute-Garonne), on s'attelle à déconstruire les clichés sur le genre au travail. Car qu'ils soient filles ou garçons, les jeunes s'interdisent encore certaines filières réputées masculines ou trop féminines.
74 % des femmes déclarent n’avoir jamais envisagé d’études ou de métiers dans les domaines techniques ou scientifiques, contre 41 % des hommes, selon le rapport annuel 2024 du Haut Conseil à l’Égalité (HCE). Ce constat illustre l'impact des stéréotypes de genre sur les choix d’orientation des jeunes. Céline Ruffat, membre de l’équipe de la Maison de l’Orientation de Bellefontaine à Toulouse, travaille à déconstruire ces préjugés pour offrir de nouvelles perspectives. Entretien.
Les habitants du Mirail sont-ils sensibilisés aux questions d'égalité au travail ?
Ils le sont de plus en plus, grâce au travail des associations locales qui œuvrent sur des thématiques comme l’égalité, la lutte contre les violences, ou encore l’accès à l’emploi des femmes. Cela dit, tout dépend des communautés, des influences culturelles ou religieuses, et du vécu de chacun. Il est certain qu’il reste encore du travail à faire. Cependant, nous voyons une évolution : de plus en plus de jeunes filles et de jeunes garçons issus de ces quartiers veulent s’orienter vers des métiers longtemps considérés comme masculins, comme l’électronique ou l’industrie.
Vous organisez régulièrement des ateliers de sensibilisation. Quel type de public visez-vous ?
Ce sont principalement des collégiens (à partir de la quatrième) et des lycéens. L’idée est de toucher des jeunes qui commencent à réfléchir à leur avenir, mais qui sont encore influencés par les stéréotypes. Nous travaillons avec les établissements scolaires du Mirail, mais aussi à Cugnaux, Saint-Simon, Borderouge, Roseraie ou encore le centre-ville. Nous ne constatons pas de différences selon les établissements, les jeunes réagissent de la même façon.
Quels sont les retours des jeunes sur ce type d'action ?
Les filles sont très fières de voir des femmes exercer des métiers masculins ; elles découvrent qu’elles peuvent occuper un poste de commandement dans l’aéronautique. Les garçons sont souvent surpris et curieux. Ce qui est beau, c’est que ces échanges plantent des graines. Même si l’impact n’est pas immédiat, il reste quelque chose de cette expérience.
Des anecdotes marquantes ?
Oui, beaucoup ! Une année, un esthéticien a suscité une avalanche de questions de la part des garçons. Les jeunes étaient fascinés par son métier et posaient des questions très techniques, comme : « Vous épilez quoi ? Vous voyez des femmes nues ? » Ces échanges, bien que parfois naïfs, permettent de déconstruire des clichés et d'ouvrir le champ des possibles.
En quoi ce combat vous touche personnellement ?
Nous ne sommes pas féministes au sens militant, mais nous croyons à l’équité. Il est essentiel que chaque jeune, fille ou garçon, sache qu’il peut aspirer à n’importe quel métier, sans limitation liée à son genre. Nous voulons continuer à éduquer et sensibiliser, car c’est en plantant ces graines, année après année, que les mentalités évolueront.
La Maison de l’Orientation de Bellefontaine organise le 7 mars une journée de sensibilisation à l’égalité professionnelle. Pourquoi ?
Cela fait maintenant quatre ans que nous organisons cette journée en lien avec la Journée internationale des droits des femmes. L’idée est d’utiliser cette occasion pour montrer aux jeunes que les stéréotypes de genre n’ont pas leur place dans les choix d’orientation. Par exemple, des métiers perçus comme "physiques" ou très masculins freinent parfois les jeunes filles, alors qu’elles sont souvent très compétentes dans ces domaines. Avec cette journée, nous voulons prouver que tous les métiers sont accessibles, peu importe le genre. Les stéréotypes de genre influencent encore beaucoup les choix de carrière en 2024.
avec Kamélia Mekki pour MQML.