A Toulouse l'entreprise Sigfox propose un bracelet connecté pour suivre les malades du coronavirus

Le patron de la société toulousaine Sigfox offre ses services au gouvernement dans la lutte contre le coronavirus. Ludovic Le Moan propose de tracer les personnes infectées à l'aide d'un bracelet connecté. Une idée dénoncée à Toulouse par des spécialistes de la cybersécurité.

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Le traçage numérique des personnes positives au Covid-19 (application StopCovid) est actuellement au coeur des débats. Le projet gouvernemental d'une application suscite de nombreuses inquiétudes, notamment sur l’exploitation des données personnelles.
 
Pour l'entreprise toulousaine Sigfox et son réseau mondial des objets connectés en bas débit, des alternatives existent. Son patron, Ludovic Le Moan, vient de proposer au gouvernement français, la solution d’un bracelet connecté relié à son réseau.
 

"L'idée est d'avoir un bracelet, ou un autre objet connecté, qui ne soit pas relié au smartphone et permettrait de connaître les personnes croisées par son porteur durant la journée et celles qui se sont rendues dans différents lieux " précise-t-il à nos confrères de RTL.

"Le but n'est pas de traquer une personne pour savoir si elle est allée à la Poste ou au supermarché mais d'aider les autorités à gérer la circulation du virus. C'est un acte de civisme, comme l'attestation de sortie. Une fois que le bracelet est enlevé, c'est fini. Alors que le téléphone restera dans notre poche après la crise".
 

Un prototype déjà testé à Toulouse

Selon son patron, l’objectif de Sigfox serait d’avoir un objet indépendant de Google et Apple. Selon nos informations, un prototype a été testé dans les locaux de la société toulousaine basée à Labège aux portes de Toulouse.
 
Ludovic Le Moan est conscient que sa proposition peut être taxée d’opportuniste.  "C’est juste une idée" assure son entourage.  
Dans le journal Les Echos, le Toulousain prend les devants face aux critiques :  "On va dire que je vends ma soupe (..) mais mon point de vue c'est vraiment un problème de vie privée. Si ça passe par le téléphone, ça passe forcément par Google et Apple. Si ça passe par un réseau comme celui de Sigfox, on ne serait que le tuyau, et les équipements pourraient être la propriété de l'Etat qui les mettraient à disposition de sa population."
 
Baptiste Robert, chercheur en cybersécurité et hackeur connu sous le pseudonyme d'Elliot Alderson, n'a pas tardé à interpeller la société toulousaine, comme dans ce tweet : 
 

Une anonymisation des données impossible

Pour le Toulousain, cette offre de service de Ludovic Le Moan au gouvernement n'a qu'une visée commerciale : " Comme Orange, SigFox utilise cette crise afin de mettre en avant son produit. Ils ne sont pas là pour la beauté du geste. Il y a des intérêts commerciaux énormes derrière. Disons que si le gouvernement accepte ce projet, ce qui n'est absolument pas le cas pour l'instant, Sigfox va gagner un contrat astronomique. La possibilité d'équiper tous les Francais potentiellement d'un bracelet électronique, utilisant leur réseau, représente plusieurs millions d'euros à la clef. On voit bien que certains industriels francais n'ont aucun mal à mettre l'éthique de côté lorsque ça les arrange."

Des questions d'éthique également soulevées par d'autres professionnels toulousains de la tech, comme Xavier Mouton-Dubosc, développeur informatique : "Ce qui me dérange particulièrement dans ce projet, c’est de faire croire que le "contact tracing" est anonyme. Il est prouvé grâce au site risques-tracage.fr, créé par plusieurs chercheurs, que toutes ces données peuvent être désanonymisées. "

Pour le producteur de l’émission CPU (Carré, Petit, Utile), un programme radio réalisé par des gens du numérique diffusé sur Radio FMR, choisir d'utiliser une application sur un smartphone ou un bracelet électronique relève du "solutionnisme technologique et de la simple communication" :  "En empruntant de tels chemins, on évite de réfléchir aux questions liées à la vie privée et c’est inacceptable. Il y a une véritable légèreté à s’engager dans ces démarches qui sont des risques pour Sigfox et l’industrie de la tech avec des solutions qui n’ont pas lieu d’être." 
 

"Veut-on tous devenir des détenus ?"

Installé à Toulouse et expert dans le domaine de la cybersécurité, celui qui se fait appeler Solarus considère que la proposition de Sigfox dépasse la seule question technologique : "Cela touche directement des questions philosophiques et démocratiques. Nous sommes partis sur une application pour une autre solution qui n’est pas plus sécurisée ou anonymisée. Ce bracelet implique de l’imposer à des personnes qui sont trop pauvres ou trop âgées pour utiliser un smartphone. Ne pas laisser le choix à ces personnes de porter un tel bracelet électronique cela évoque directement des solutions de détention imposée à des personnes immorales et criminelles.

Un point sur lequel Baptiste Robert appuie également : "On est en train de présenter aux gens des bracelets électroniques en leur expliquant que c'est pour leur bien. Veut-on tous devenir des détenus ?"

Par exemple en Corée du Sud, 57.000 personnes se sont retrouvées dans l'obligation de porter un bracelet de ce type afin de leur faire respecter le confinement. 160 d'entre-elles ont bravé l’interdiction de quitter le domicile "provoquant de véritables chasses à l'homme" selon Xavier Mouton-Dubosc. 
 

Cacher les manquements du gouvernement

Pour tous, la solution pour résoudre cette crise n'est pas aller chercher une "solution purement technologique" mais avant tout d'avoir des tests et des masques pour l'ensemble des Français. "A travers ces initiatives, le gouvernement veut montrer que la France est une « start-up nation » et qu’elle agit donc avec les startup, estime Solarus. Mais pour moi, c’est aussi une façon de masquer les manquements qu’il y a eu lors de cette crise : le manque de masques, le manque de tests, tout en essayant de rassurer les Français en donnant l’impression d’agir."

Reste la question Sigfox : "Ce n’est pas la première fois que Ludovic Le Moan fait ce type de sortie pour mettre en avant son entreprise, constate Xavier Mouton-Dubosc. Le problème est qu’il ne fait pas tout le tour de la question, notamment d’un point de vue de la sécurisation de la vie privée. Je suis extrêmement triste de cette situation car Sygfox compte à Toulouse." 

Ludovic Le Moan a réagi ce samedi sur son compte twitter rappelant que les citoyens restent libres de porter ou non un bracelet connecté.
 
 
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