Pourquoi l'extrême gauche et les antifascistes s'en prennent aux banques lors des manifestations ?

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Depuis un an, à Toulouse, les manifestations des Gilets Jaunes sont régulièrement à l'origine d'importants dégâts. Leurs cibles : les banques, les assureurs, les agences immobilières. L'oeuvre de groupes d'extrême gauche dont le but est de s'attaquer symboliquement au capitalisme. Explications.

En ce 9 décembre 2018, les habitants du quartier Saint Cyprien à Toulouse (31) découvrent, effarés au petit matin, les débris encore fumant du mobilier urbain incendié la veille, les vitrines fracassées de plusieurs banques, assurances, agences immobilières et quelques petits commerces, et de multiples tags inscrits sur les murs : "Vive la République en Marx" ou encore "Stop à la mondialisation, consommons responsable". Des images rappelant des scènes vécues 5 ans plus tôt, lors des manifestations contre le projet de barrage à Sivens (Tarn). 

 

Des images de chaos

Cette fois-ci, les dégradations et la mobilisation contre les forces de l'ordre ont pris une ampleur inédite. La veille, le secteur entre le pont des Catalans et le quartier de la Patte d'Oie, s'est véritablement embrasé. Après avoir été repoussé à hauteur du musée des Abattoirs, le cortège de Gilets jaunes s'est stoppé pour construire une impressionnante barricade, à l'aide de matériaux d'un chantier situé à proximité. La situation va durer une bonne partie du début de soirée, offrant des images de chaos et de face à face entre policiers et militants masqués et casqués. L'ambiance est particulièrement tendue. Plusieurs manifestants s'en prennent ainsi verbalement aux journalistes présents à qui on reproche de "mentir", de "travestir la réalité" et d'appartenir " à un système bien plus violent pour les classes populaires que ce qui se passe ici".

 
Ces scènes vont marquer l'opinion toulousaine, provoquant l'incompréhension, la colère de riverains et de commerçants : "On s'en prend à n'importe qui. C'est désespérant." affirme dépitée une habitante du quartier. Le gérant d'une boutique tient entre ses mains un poteau anti-stationnement. "Avec ça, on nous casse les vitrines. On est le symbole de quoi ? On travaille. On n'est pas des capitalistes."

Une attaque symbolique contre le capitalisme

C'est justement le capitalisme qui est symboliquement attaqué par des groupes d'extrême gauche, même s'ils affirment ne pas être les auteurs des dégradations des petits commerces.



 "Dans les média dominants si l'on commence à parler en mal de nous, c'est que l'on met le doigt sur quelque chose qui gêne, estime Stèph, membre du groupe Union Antifasciste Toulousaine. Il y a une grosse confusion dans la tête des flics et cette confusion se retrouve dans la tête des média dominants qui reproduisent un propos policier, plus ou moins fidèlement et avec plus ou moins d'indépendance. Les antifascistes, comme les autonomes, les zadistes, comme "les casseurs", on appartient à un mouvement politique. Et ce mouvement politique, c'est le mouvement anticapitaliste. C'est le mouvement révolutionnaire. Bien sûr que les antifascistes appartiennent à ce mouvement et bien sûr nous n'allons pas nous désolidariser des gens qui brisent les vitrines des banques et des assurances qui eux mêmes brisent des vies. Et il ne faut pas oublier que c'est pour ça que les banques sont cassées en manifestation. Parce que derrière ça, il y a des gens dont les vies sont détruites par ces entreprises là, ces groupes là, ces institutions."

 

Installer un rapport de force

Le militant prolonge son propos : "Ces violences sont avant tout symboliques. C'est juste pour montrer qui sont les "vrais méchants". Ce n'est pas super efficace matériellement de casser une vitrine. Cela coûte un peu à l'assurance ou à la banque mais matériellement ce n'est pas ça qui leur fait véritablement du mal. Mais symboliquement cela permet de mettre dans la tête de plein de personnes qu'il y a un véritablement un problème avec les banques, les assurances ou la police aujourd'hui. Le changement ne viendra pas des élections, il ne viendra pas d'en haut. Notre but c'est de changer les règles du jeu et notre seule capacité de changement va venir du rapport de force que nous mettons dans la rue et les perspectives politiques que l'on arrive à créer après ça. En plus, énormément de gens qui ont cassé ce sont des personnes qui ne sont pas dans des partis politiques, qui n'ont pas l'habitude d'être dans les manifestations. Ce sont des gens qui en ont marre, pour beaucoup."



D'ailleurs, au fil des mois, une frange des Gilets jaunes s'est radicalisée dans ces actions notamment en réponse aux interventions et violences policières. Une colère contre les forces de l'ordre qui fait écho au slogan ACAB, All Cops are Bastards (en français : tous les flics sont des salauds), souvent taggué durant les manifestations.



 
Pour Stèph de l'UAT : "Nous avons atteint un niveau de répression rarement rencontré. Au début les Gilets jaunes scandaient "la police avec nous !". Mais deux mois après, lorsqu'ils ont commencé, pour certains, à perdre leurs yeux, des mains et qu'il y a eu des blessés graves, les gens, ils ont compris. Ils n'ont pas tendu l'autre joue. La police, elle sert à protéger l'ordre en place, les puissants et les riches. Du coup, nous avons été là pour leur expliquer. C'est pas le flic, en tant que personne le problème mais c'est l'institution policière. Cette institution policière, c'est un obstacle aujourd'hui pour renverser le pouvoir. Et c'est ça que nous sommes allés expliquer aux Gilets jaunes depuis le début. "



Après plus d'un an auprès des Gilets jaunes, l'Union Antifasciste Toulousaine estime avoir encore toute sa place à leurs côtés. Ces militants sont d'ailleurs persuadés d'avoir permis que cette colère ne s'oriente pas vers des thèmes d'extrême droite comme l'immigration mais vers ceux de la justice sociale, du capitalisme et de la violence policière. Ils espèrent que cette colère mènera à la révolution. 
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