La cour d'appel de Paris rend mardi 31 octobre 2017 sa décision à propos de l'explosion meurtrière de l'usine chimique AZF en septembre 2001 à Toulouse, au terme du troisième procès de la pire catastrophe industrielle récente en France.
Ce troisième procès s'est déroulé peu ou prou comme les deux premiers. 4 mois et demi d'audiences, mêmes témoins, mêmes experts à la barre.
Mais quelques différences notables ont pesé sur les débats, à commencer par le lieu même des audiences : Paris. Eu égard à un changement de loi sur les procès de catastrophes collectives, c'est la cour d'appel de Paris en effet qui juge les responsabilités des deux prévenus, Serge Biechlin, l'ancien directeur de l'usine AZF, et Grande Paroisse, propriétaire du site et filiale de Total.
Un crève-coeur pour les centaines de parties civiles qui n'ont pu assister en direct à ce procès, se contentant de suivre les débats depuis Toulouse, grâce à une retrasnmission audiovisuelle. Et qui se sont senties dépossédées.
De fait, très peu de personnes ont suivi les audiences. L'ambiance a donc été radicalement différente que lors des deux premiers procès, à Toulouse.
Autre différence de taille : les différentes pistes, dont certaines que l'on pensait définitivement enterrées. Ce fut le cas de la piste terrorriste. Depuis le premier procès en 2009, le contexte national a changé. La défense, en citant comme témoins le juge anti-terroriste Jean-Louis Bruguière et le spécialiste de l'islam Gilles Keppel, ne s'y est pas trompée.
"Pendant des années, on nous a dit "Mais vous n'y pensez pas, ça n'existe pas !", a notamment expliqué maître Simon Foreman, avocat de la défense. "Des attentats contre une usine, mais voyons, c'est impossible, ça n'aurait aucun intérêt", "Des islamistes à Toulouse, allons donc, vous rêvez !". Tout ça, on n'ose plus nous le dire aujourd'hui, c'est rentré dans l'ordre du possible. Et nous, on ne dit pas autre chose...".
Ce qui n'a pas changé en revanche, c'est l'affrontement de deux parties autour de la thèse de l'accusation, la thèse officielle, celle d'un accident chimique. Causé par le mélange involontaire de deux produits incompatibles fabriqués dans l'usine, le nitrate d'ammonium et le DCCNa, un produit chloré.
La défense combat cette hypothèse depuis toujours, faute de preuves notamment.
La plupart des parties civiles, elles, n'ont aucun doute. "Comme ce sont les premiers [La commission d'enquête interne de Total, NDLR] qui les premiers, avant la police, sont allés à l'endroit exactement où il y avait cette benne [celle qui aurait versé le mélange accidentel dans le hangar de stockage 221, quelques minutes avant l'explosion, NDLR], qu'ils n'ont rien dit à la police, et qu'ils ont fait le ménage dans le hangar 335 où il y avait encore tous les sacs et les produits par terre, je trouve à chaque fois scandaleux qu'ils crient haut et fort qu'on n'a pas la preuve de ce qu'il y avait dans la benne !", s'indigne maître Stella Bisseuil, avocate de l'association des familles endeuillées.
La défense, lors de ce troisième procès, a bien sûr plaidé la relaxe, "au bénéfice du doute qui s'impose".
L'accusation, elle, a exhorté la cour à justement lever ce "doute déraisonnable" car il n'y a pas, selon les deux avocats généraux, de "mystère AZF".
Avant de requérir trois ans de prison avec sursis et 45 000 euros d'amende contre Serge Biechlin, l'ex-directeur de l'usine, et 225 000 euros d'amende contre Grande Paroisse, propriétaire du site et filiale de Total, tous deux poursuivis pour homicides et blessures involontaires.
Rappelons qu'en 2009, lors du premier procès, le tribunal correctionnel de Toulouse, après un jugement très sévère pour les prévenus, les avait finalement relaxés, faute de preuves.
La cour d'appel de Toulouse, elle, avait eu moins de scrupules. En 2012, elle avait condamné Serge Biechlin à trois ans de prison dont deux avec sursis et 45 000 euros d'amende, ainsi que Grande Paroisse à 225 000 euros d'amende.
Cet arrêt avait été annulé par la Cour de cassation, pour cause d'impartialité d'un des juges.