Depuis début janvier, on parle beaucoup de ces E3C, les nouvelles épreuves de bac passées en classe de 1ère, dans le cadre du contrôle continu. Elles font l'objet d'une polémique. Mais la réforme du bac pose aussi d'autres difficultés. Témoignage d'une lycéenne de la région toulousaine.
Ils ont un peu le sentiment d'être la génération sacrifiée. Celle, en tout cas, qui "essuie les plâtres" de la réforme du baccalauréat...
Laura* est élève de première générale dans un lycée de la région toulousaine. Comme enseignements de spécialité, elle a choisi maths, SVT (science et vie de la terre) et humanités-littérature-philosophie. Les premières épreuves (E3C) ont eu lieu, pour elle, à la mi-janvier. "Cela s'est bien passé mais c'était assez stressant. Les profs n'étaient pas au courant de tout, ils l'ont reconnu les yeux dans les yeux et ça, ce n'est pas rassurant. On n'a pas eu de E3C blancs, par exemple. Et les détails, on ne les a eu qu'un mois ou deux avant les premières épreuves".
Mais ce qui inquiète Laura, c'est le fond de la réforme du bac, avec la fin des séries (S, L, etc.) et l'apparition de ces enseignements de spécialité. "On nous a un peu vendu du rêve, en disant qu'on pouvait se faire plaisir. Moi, je veux faire médecine : j'ai donc pris maths et SVT, et je me suis permise de prendre humanités-littérature-philosophie. Sauf que la semaine dernière, je suis allée aux portes ouvertes d'une grande école d'ingénieurs de Toulouse et là, on m'a dit : "Ah bah non, vous auriez du choisir physique, on ne va pas pouvoir vous prendre !".Moi, j'ai pris du recul mais certains de mes amis ont pris ça très à coeur, et surtout de voir les profs stressés eux-mêmes
Laura envisage soit de redoubler pour faire un autre choix, soit de prendre des cours intensifs de physique tout l'été. Elle a eu en tout cas le sentiment d'un manque de communication entre les lycées et les grandes écoles.J'aurais pris physique si j'avais su
Est-ce le cas ? Pour Laurent Champaney, directeur général des Arts et Métiers et vice-président de la Conférence des grandes écoles (CGE), les grandes écoles ont été associées, même si elles n'ont pas été sollicitées sur les programmes du baccalauréat (et il n'était pas légitime qu'elles le soient, estime-t-il). Mais il est vrai que les écoles choisissent elles-mêmes les profils qu'elles demandent. "Certaines vont peut-être s'en mordre les doigts car dans certains lycées, l'enseignement des mathématiques dès la première est d'un tel niveau qu'un certain nombre d'élève sont en train de décrocher. Attention à ce que ces écoles ne donnent pas le La à toutes les autres, essayons de donner sa chance au plus grand nombre".
Un autre responsable d'une grande école toulousaine le regrette également : "on a soit des maths à très haut niveau, soit plus de maths du tout, c'est dommage qu'il n'y ait pas d'intermédiaire".
Mais Laurent Champaney veut nuancer : "c'est compliqué d'avoir une parole homogène pour toutes les écoles. Tout le monde est un peu en observation. Des ajustements pourront peut-être avoir lieu l'an prochain".
Dont acte. En attendant, la fin annoncée de la hiérarchisation entre les séries semble s'éloigner à vitesse grand V.
* Le prénom a été modifié.