Face au confinement, sans possibilité d'exposer, l'artiste toulousain 100Taur a trouvé la solution : ouvrir virtuellement son atelier aux visiteurs jusqu'au 31 janvier 2021 à travers le projet AD ASTRA PER ASPERA. Une ouverture sur "l'âme" de l'artiste et sur son univers créatif.
L'atelier d'un artiste est souvent une "zone" protégée du regard de l'extérieur. Un endroit intime que les peintres, les sculpteurs n'ouvrent qu'à de très rares élus. L'artiste de Toulouse, 100Taur, a pris une décision exceptionnelle : ouvrir virtuellement son atelier à partir du samedi 19 décembre à 16 heures.
"C'est une visite interactive qui va permettre une immersion dans mon univers" explique celui qui s'est fait connaître pour ses grandes fresques. Comme il l'explique dans la publication Facebook ci-dessous, l'espace où il crée est divisé en deux : d'un côté son atelier, de l'autre une exposition intitulée "AD ASTRA PER ASPERA" ("Vers les étoiles à travers les difficultés").
C'est une visite interactive de mon atelier à 360 °, en ligne. C'est une façon pour moi d’exposer et rendre visibles toutes les peintures, sculptures et installations que j'ai réalisées depuis le premier jour du confinement dû à la crise sanitaire.
Se réinventer avec le confinement
L'initiative est la suite logique du confinement pour l'artiste. "Le confinement en lui-même n'est pas un problème pour moi, nous sommes naturellement confinés lorsque l'on crée. Nous pouvons passer une semaine dans notre atelier sans voir personne". Mais deux problèmes se sont rapidement posés : comment continuer à montrer son travail et comment continuer à gagner sa vie ?
J'avais une commande pour peindre un mur au musée Ingres qui devait être une réinterprétation de l'oeuvre de ce peintre. A cause du Covid, cela a été annulé. Je n'avais pas prévu d'avoir un trou dans mon financement. Cela a été un électrochoc. Il a fallu trouver des solutions.
Nicolas Giraud, de son vraiment nom, a eu l'idée de se filmer en direct ces dernières semaines en train de réaliser des "mini-peintures" mises aussitôt en vente. "Les gens étaient super content et cela m'a permis d'avoir des rentrées d'argent confortables" assure-t-il. Des sommes réinvesties, le plus souvent, dans du matériel pour de nouveaux projets. "Finalement le confinement m'a permis de me réinventer" reconnait-il.
"Un capharnaüm organisé"
La peur qu'il a pu avoir dans le passé de montrer son processus créatif, d'exposer une partie de son "âme", Nicolas Giraud assure l'avoir "dépassé".
Il y a une forme de maturité légère qui fait que je n'ai plus de craintes de montrer ce que je suis, les sujets que je traite. Je n'ai plus peur que l'on me vole des techniques ou que l'on me voit rater des choses.
Ce projet, qu'il décrit lui-même comme "un capharnaüm organisé" auquel il va laisser "les clés aux visiteurs", n'aurait pu se faire sans l'aide de Boris Sécretin.
L'objectif de cette visite et de cette exposition virtuelle est aussi une possibilité offerte aux plus jeunes "de pousser la porte d'une galerie, même virtuelle, afin de continuer à s'instruire" et d'échapper à l'isolement qui s'est installé au fil des semaines."D'une façon c'est un moyen de retourner une faiblesse afin d'en faire une force".
Dans les pas de Courbet, Breton, Bacon
Les visiteurs vont découvrir ce que 100Taur décrit comme une "chapelle" : "C'est ma propre âme. Un condensé de ce que j'aime". D'ailleurs sur les étagères de son bureau, des revues, des livres et des centaines de figures issues de dessins animés dans lesquels le peintre puise son inspiration et ses influences.
Des éléments qui ne sont pas sans rappeler le cabinet de curiosité du surréaliste André Breton, visible dans ce tweet ci-dessous :
Je suis allé voir "modernité plurielles" à Beaubourg. Quel régal d'admirer ce cabinet de curiosité d'André Breton. pic.twitter.com/YciPjbQMqs
— Léonard Condemine (@LeonardCondemin) January 5, 2014
De nombreuses galeries proposent déjà ce type de visites virtuelles. Mais l'originalité de 100Taur se situe dans son choix d'offrir aux yeux des spectateurs cet endroit "intime" qu'est son atelier. La démarche, utilisant les techniques actuelles, s'inscrit dans celle des plus peintres comme par exemple Gustave Courbet. En 1855, le chef de file du courant réaliste exécutait une toile intitulée "L'Atelier de l'artiste" dont voici une image dans ce tweet du musée d'Orsay :
Nicolas Giraud se sent plus proche et plus sensible à l'atelier du peintre Francis Bacon, déplacé à sa mort pour être reconstitué à l'identique par des archéologues dans sa ville natale de Dublin.
Atelier de Francis Bacon en Londres (1974) pic.twitter.com/oQvBsWxZDi
— Aguacero Ediciones (@aguaceroed) November 12, 2020
Pour ceux qui veulent aller plus loin que la simple visite virtuelle, il sera également possible de rencontrer 100Taur directement sur place. Des visites réelles, sur rendez-vous, limitées à 3 personnes et respectant bien entendu les mesures sanitaires.
"AD ASTRA PER ASPERA" à partir du 19 décembre 2020 à 16 heures