Un producteur de concerts toulousain est jugé ce lundi pour avoir insulté Sibeth Ndiaye, alors porte-parole du gouvernement, sur son portable. Il était excédé parce qu'elle avait déclaré les masques inutiles et compliqués à mettre.
Un entrepreneur toulousain de 41 ans comparaît ce lundi après-midi devant le tribunal correctionnel de Toulouse. Il doit répondre d'insultes proférées en mars contre Sibeth Ndiaye, alors porte-parole du gouvernement. Son discours largement partagé sur internet car elle jugeait le port du masque non nécessaire et expliquait "vous savez quoi, moi je ne sais pas utiliser un masque".
Bastien Bacha est alors organisateur de concerts et de tournées de musiciens. Sa société compte 5 salariés et il embauche jusqu'à 500 personnes l'été en période de festivals. "Avant même le confinement, j'avais fermé mon entreprise par mesure de précaution car j'ai été alarmé par les nouvelles qu'on avait de la Chine dès janvier. J'étais seul dans le milieu à être aussi précautionneux", explique-t-il.
"J'ai trouvé ça fou !"
Alors quand il entend Sibeth Ndiaye déclarer qu'"il n'y a pas lieu de porter des masques de protection en continu" et qu'ils sont trop compliqués à utiliser, son sang ne fait qu'un tour. "C'était trop fort pour moi, commente-t-il, ça ne pouvait pas passer. Moi qui faisais l'effort de sacrifier mon entreprise, créée il y a 15 ans, et que des gens en responsabilité minimisent le virus, j'ai trouvé ça fou !".
Après une nuit d'insomnie, l'entrepreneur décide de la contacter. Il trouve sur le moteur de recherche Wikileaks un e-mail de 2016 avec le numéro de portable de la porte-parole. "Je le prends en me disant qu'il y a 99% de chance que le numéro ne fonctionne pas.... Elle avait fait du chemin depuis la campagne, explique Bastien Bacha. Mais elle décroche. Pris de court, je lui explique la montée exponentielle du nombre de cas. Je me suis emporté et lui ai demandé de se taire de façon virulente".
Plainte de Sibeth Ndiaye
Les insultes fusent. L'entrepreneur utilise deux fois le mot "salope". "Je ne visais pas sa personne ni sa fonction, explique-t-il. J'étais hors de moi". Deux mois plus tard, il est convoqué au SRPJ de Toulouse pour s'expliquer. La porte-parole a porté plainte.
"A nouveau, je prends ça comme une injustice, commente Bastien Bacha. Les policiers étaient à cran. Ils me hurlaient quasiment dessus parce qu'ils avaient ordre de traiter cette histoire en urgence alors qu'ils avaient des affaires autrement plus importantes de viols et de vols à traiter. Ils ne comprenaient pas. Ils m'ont même dit que j'avais eu le courage de dire ce que 99% des français ont dit devant leur poste de télé".
2 mois de prison avec sursis
Au mois de mai, lors de son audition, le chef d'entreprise admet qu'il s'est emporté et présente ses excuses. Il pense alors être puni. Mais quand il prend connaissance de la peine : 2 mois de prison avec sursis et un mois de travaux d'intérêt général, il reste sans voix... "ça ne cadre pas", réagit-il.
"J'aurais pu communiquer son numéro ou son mail à tout le monde et il y en aurait eu des réactions ! Mais je ne l'ai pas fait. Je n'avais aucune intention de nuire. C'est beaucoup trop lourd ! Ma société est en difficulté. J'ai perdu 95% de mon activité depuis mars. Je ne me voyais pas balayer dans les rues et la laisser en train de couler".
"Je me sens triste"
Bastien Bacha a du mettre ses cinq salariés au chômage technique. Il sait que les tournées ne reprendront pas dans le meilleur des cas avant 2022. "Je ne comprends pas l'acharnement de ce procureur. J'ai du mal à l'accepter. Et je ne suis pas le seul, je vois les réactions des policiers, des personnes chaque jour plus nombreuses qui m'envoient des messages de soutien... Il fait perdre du temps à tout le monde. A côté de ça il y a des escrocs, des criminels qui se promènent tranquilles. Je me sens triste. Pas seulement triste pour moi. Triste pour mon pays".
Son avocate, Claire Dujardin, va demander la relaxe. Elle estime qu'il s'agit d'une condamnation disproportionnée. Elle a été rendue dans le cadre d'une procédure de CRPC, une reconnaissance préalable de culpabilité qui s'apparente au plaider coupable de la justice américaine.
"C'est la liberté d'expression qui est en jeu"
"La qualification juridique d'outrage n'est pas évidente, explique-t-elle. On est plus sur une injure non publique. Avant son propos injurieux, il y a un propos politique. C'est la liberté d'expression qui est en jeu et le juge en est garant". L'avocate s'appuie aussi sur le fait que son client a agi sous le coup de la colère.
"Il a l'excuse de provocation. Son état mental et psychologique a amené des propos déplacés mais il n'avait aucune intention de nuire. Or il faut un élément matériel et un élément intentionnel pour condamner quelqu'un. Ces éléments permettent d'atténuer les faits". Le procès a lieu ce lundi à 16h au tribunal correctionnel de Toulouse.