"Ça va être compliqué de continuer en biologique" : pourtant saluée par la Cour des Comptes, l'Agence bio menacée de suppression

Au nom des économies, la droite sénatoriale, avec l'aval du gouvernement, a voté un amendement au projet de budget qui vise à supprimer l'Agence bio, l'organisme qui promeut et soutient la filière déjà en crise. Les acteurs du secteur sont inquiets.

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Yan Izans élève 80 blondes d'Aquitaine à Ouzous (Hautes-Pyrénées). Il produit de la viande bio pour alimenter son propre restaurant. L'éleveur restaurateur a appris il y a quelques jours la possible suppression de l'Agence Bio. Il en redoute les conséquences. 

On va principalement avoir de la perte sur la promotion sur ces produits bio, donc l'engouement sur la production bio va diminuer et aujourd'hui, quand on s'est engagé à produire en bio, et si derrière les gens reconnaissent moins ce mode de production, ça va être compliqué pour nous de rester dans cette voie-là.

Yan Izans, éleveur bovin en bio à Ouzous

Pétrissage à la main, cuisson au feu de bois. Camille Meydier produit toute seule 100 kg de pain bio chaque semaine. Elle utilise pour cela des farines issues de producteurs locaux. La suppression de l'Agence Bio aura pour elle un impact sur ses fournisseurs.

"Eux, ils vont avoir des difficultés à maintenir des labellisations bios, parce qu'ils seront moins aidés au cours de leur développement. Il y en a certainement qui vont partir à la retraite, donc demain les nouveaux qui s'installent, est-ce qu'on va les aider à continuer ce modèle, petite structure, polyculture, peu mécanisé, moins de pétrochimie ?" s'interroge la boulangère."Donc forcément, nous demain, on aura de difficulté à trouver de la farine biologique."   

Un "gâchis" dans la première région bio de France

La suppression de l'Agence bio qui possède des antennes régionales, apparaît comme un gâchis, dans la première région bio de France. En Occitanie, on compte 14 000 exploitations labellisées ou en cours de conversion. L'agence interbio régionale compte une vingtaine de salariés. L'annonce de la possibilité de sa suppression via un amendement du Sénat au futur budget national et son transfert à FranceAgrimer est un coup de massue.

"C'est le seul endroit au niveau national où il y a cette capacité à discuter tous ensemble. L'agence bio, a réussi à réunir autour d'elle, de par sa gouvernance, mais aussi son action, toutes les parties prenantes de l'agriculture biologique : les producteurs, les représentants des producteurs, en passant par les distributeurs, les consommateurs et les institutionnels. Donc si on perd l'agence bio, on perd ce lieu où on discute ensemble, où l'on optimise les moyens."

Nancy Fauré, directrice de l'agence interbio Occitanie

Si elle relaie les campagnes nationales en régions pour relancer la consommation du bio, l'agence interbio Occitanie fournit également un grand nombre de données sur la filière : nombre de producteurs, développement, dynamique, évolution de consommation. "Et ces données sont indispensables pour les acteurs économiques sur le terrain pour mieux piloter leur progression, leur développement, mieux connaître les marchés", explique encore la directrice. Si on est transféré à d'autres opérateurs comme FranceAgrimer, il faut quand même que ce soient des experts du bio qui instruisent les dossiers, qui les étudient, etc. On a une qualité de service bien meilleure de ce qui était instruit par des gens qui ne le connaissaient pas." 41 projets d'entreprise agricole ont été subventionnés par le fonds avenir bio géré par l'Agence, entre 2009 et 2023.

Une efficacité saluée par la Cour des comptes

L'utilité de la structure a d'ailleurs été soulignée par la Cour des comptes dans deux de ses rapports, l'un portant sur les agences d'État, l'autre sur le soutien à l'agriculture biologique.

Dans ce dernier rapport datant de 2022, la Cour appelait même à un renforcement des moyens et du budget de l'Agence bio : "Un relèvement du plafond d’emplois et du budget de l’Agence Bio avec un objectif de 40 ETP et 10 millions d'euros par an d’ici 2024 apparaît souhaitable. Bien que significative (doublement des effectifs et triplement du budget de fonctionnement), cette augmentation se justifie
par les enjeux associés au développement de l’agriculture biologique.

Son efficacité est aussi unanime auprès de certains syndicats comme la FNSEA et les Jeunes agriculteurs qui dans un communiqué, publié notamment sur X, s'élèvent contre la suppression de l'Agence. "Accompagner l’agriculture biologique, au-delà des soutiens directs aux producteurs, c’est aussi œuvrer au développement et à la promotion de cette filière. La remettre en cause aujourd’hui, c’est fragiliser encore davantage une filière déjà sous tension", écrivent-ils.

Ses salariés et ses dirigeants espèrent désormais que l'amendement déposé par les sénateurs soit supprimé. Le texte doit être examiné lors de la commission mixte paritaire le 30 janvier.

(Écrit avec Julien Lanchas)

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