Une militante transgenre opposée à l'autoroute A69 se retrouve au cœur d'une polémique sur les conditions de détention des personnes trans. Incarcérée depuis le 15 octobre 2024 dans la maison d'arrêt pour hommes de Tarbes (Hautes-Pyrénées) et placée à l'isolement, son cas relance les questionnements sur le traitement des détenus transgenres en France.
Louna est une opposante à l'autoroute A69 entre Castres et Toulouse. Interpellée à la mi-octobre, elle a été mise en examen et placée en détention provisoire. "Elle est accusée d'avoir détruit une pelleteuse par substance explosive et d'association de malfaiteurs en vue d'une destruction par voie dangereuse" expliquent ses soutiens.
L'histoire pourrait paraître être une banale procédure judiciaire lancée comme d'autres depuis plusieurs mois à l'encontre de la contestation du chantier de cette infrastructure en cours de construction dans le sud du Tarn. Mais Louna a été incarcérée à la Maison d'arrêt pour hommes de Tarbes, une prison pour hommes. "C'est une meuf trans. Et parce qu'elle est une meuf trans, elle est mise à l'isolement", dénoncent plusieurs publications issues de sites d'extrême-gauche
Une femme trans incarcérée dans une prison d'homme
Une information confirmée par la cour d'appel de Toulouse : "l'intéressé de sexe masculin, en cours de transition de genre, est incarcéré à la maison d’arrêt de Tarbes depuis le 15 octobre 2024, sur décision du juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal judiciaire de Toulouse, dans le cadre d'une information judiciaire. Le 16 octobre, le JLD a pris une ordonnance de placement en isolement judiciaire pour des motifs de protection de l’intégrité physique de ce détenu, après que ce dernier ait fait valoir sa crainte d'être incarcéré compte tenu de sa transition de genre."
Une situation intenable, selon l'un de ses comités de soutien. Son placement à l'isolement signifie selon eux que "sa seule et unique sociabilité c'est avec des matons et qu'elle ne peut sortir de sa cellule que lorsque l'ensemble des détenus sont dans les leurs". Cette situation rend "son accès à la promenade, à la douche ou à d'éventuelles activités super galère, voire impossible".
La justice estime qu'il n'est pas démontré qu'il ait atteinte aux droits fondamentaux de Louna et que "la décision de placement en isolement étant de nature à assurer sa protection".
L'isolement : protection ou punition ?
L'isolement consiste en une une promenade d’1h15 le matin et une promenade d’1h15 l’après-midi. La douche est proposée quotidiennement. Un créneau d’1h00 de sport une fois par semaine est proposé. "L’autre jour, elle a été oubliée à la douche pendant plus d’une heure et demie parce que chacun de ses déplacements demande « trop d’orga » aux matons" dénoncent les soutiens de la militante anti A69 pour qui cette situation exprime une "transphobie institutionnelle" : "les mégenrages constants et les questions intrusives d'une juge qui lui demande si elle veut faire une opération génitale et qui s'étonne de l'absence d'un.e psychiatre pour sa transition".
Cette problématique n'est pas nouvelle. En juillet 2021, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a publié un avis sur la situation des personnes transgenres incarcérées en France.
Avis sur la prise en charge des personnes transgenres dans les lieux de privation de liberté - le @CGLPL a reçu les observations du ministre de la justicehttps://t.co/XMZnwdHbKs
— CGLPL (@CGLPL) July 9, 2021
Ce document souligne notamment l'absence de statistiques officielles sur le nombre de détenus transgenres. Il recommande que des recherches soient menées et financées par l'État pour combler cette lacune. De plus, malgré la loi de 2016 facilitant le changement d'état civil, aucune disposition spécifique n'a été prise pour adapter la prise en charge des personnes transgenres en détention.
Le CGLPL constate de nombreuses violations des droits des détenus transgenres, notamment :
- L'affectation dans des quartiers ne correspondant pas à leur identité de genre
- Le mégenrage fréquent
- Des obstacles dans leurs démarches de transition
- Des comportements transphobes de la part du personnel ou d'autres détenus
Ces situations peuvent avoir des conséquences graves sur la santé mentale des personnes concernées, allant jusqu'au risque de suicide.
Une prison sous le feu des critiques
Pour éviter les agressions, les détenus transgenres, sont souvent placés à l'isolement. Comme Louna. Cependant, cette pratique limite considérablement leurs interactions sociales et leur accès aux activités, au travail et aux soins adaptés.
Contactée son avocate Maître Claire Dujardin n'a pas souhaité répondre à nos questions.
Louna est la seule personne transgenre à la maison d'arrêt de Tarbes (Hautes-Pyrénées), une prison dont l'occupation atteint les 210%. En juin dernier, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a dénoncé dans cet établissement pénitentiaire, de "nombreux dysfonctionnements entraînant des atteintes graves aux droits des personnes qui y sont détenues". Une enquête judiciaire a été ouverte.