Les éoliennes seraient-elles des tueuses de rapaces dans les Pyrénées ? C'est ce qu'affirment certains internautes sur les réseaux sociaux. Un tweet a été vu plus de 1,3 million de fois. Mais la photo qui l'accompagne (celle d'un vautour mort, tué par une éolienne) a été prise en Grêce sur l'île de Créte il y a plus de dix ans. Une information trompeuse donc mais pas erronée.
C'est une photo publiée le 21 novembre dernier sur le réseau social X qui a beaucoup fait réagir les internautes ces dernières semaines. Elle montre un vautour mort au pied d'un champ d'éoliennes dans les Pyrénées. Ce tweet a été vu plus de 1,3 million de fois.
Un tweet trompeur mais pas mensonger
Selon la légende, ces rapaces seraient retrouvés morts régulièrement au pied d'éoliennes installées sur le massif pyrénéen. Problème, il n'y a ni date, ni précision sur le lieu exact de cette prise de vue. Après vérification, cette photo a été prise en Grêce sur l'île de Créte il y a plus de dix ans.
Chaque matin, une voiture passe en bas de chaque éolienne pour ramasser les cadavres, dans les Pyrénées. pic.twitter.com/GUzGfyIPSN
— Perle (@veritebeaute) November 21, 2024
Un tweet trompeur où aucun élément complémentaire ne vient corroborer les affirmations de ce message. Mais ces réactions soulèvent la question de l'impact des éoliennes sur la nature et sur biodiversité.
Une éolienne tuerait 7 oiseaux par an en moyenne
Chez les opposants à l’éolien en effet la menace pour les oiseaux est un argument récurrent. L’argument est n'est pas totalement faux mais la mortalité dépend largement de l’endroit où sont implantées les éoliennes selon les spécialistes de la biodiversité.
En France, une éolienne tuerait en moyenne sept oiseaux par an, selon une étude de suivi de mortalité publiée en 2017 par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Certains parcs éoliens représentent un danger pour les chiroptères (chauves-souris) et l’avifaune, notamment les passereaux et les grands rapaces.
Cela représenterait au moins 56 000 oiseaux, mais les pertes totales sont difficiles à quantifier précisément, notamment parce qu’une partie des cadavres sont récupérés par les prédateurs naturels. Mais aussi parce que cette mortalité est très différente en fonction de l'emplacement de ces éoliennes.
Une mortalité difficile à quantifier
Selon une synthèse récente de la LPO, l'éolien pourrait aussi générer des impacts directs comme la collision, ou indirects, liés à la perte d’habitats ainsi que la modification de comportements.
« La mortalité des oiseaux liée aux éoliennes installées est particulièrement difficile à quantifier, puisque les oiseaux blessés ou morts qui tombent dans l’eau ne sont jamais retrouvés », souligne Frédéric Jiguet, ornithologue au Muséum national d’histoire naturelle dans une enquête publiée dans le journal Le Monde le 28 mars 2022.
Dans cette étude, on apprend aussi que tous les projets éoliens ne sont pas tous problématiques. Certains parcs tuent très peu d'oiseaux alors que d'autres en revanche entraînent plus de mortalité. "Un parc implanté dans un endroit peu favorable aux oiseaux n’aura presque aucun impact sur eux", explique Geoffroy Marx, responsable du programme énergies renouvelables et biodiversité à la LPO.
Ce n'est pas l'éolien qui est un problème pour les oiseaux, se sont certains parcs éoliens qui sont problématiques. Un parc éolien va tuer des rapaces si c'est ce parc est installé dans l'espace vital de ces espèces. L'idée à la LPO n'est pas de s'opposer à l'éolien, en revanche on milite pour que l'éolien fasse l'objet d'une planification qui permette de préserver les sites où évoluent ces espèces sensibles.
Geoffroy Marx, responsable du programme énergies renouvelables et biodiversité à la LPO
Éviter d'implanter les éoliennes sur les voies migratoires
L’éolien constitue un danger particulier lorsque les projets sont construits dans des endroits comme les zones Natura 2000, un réseau européen de préservation de la biodiversité.
Mais seulement 5% des éoliennes sont implantées sur ces sites et la moitié de ces machines ont été installées avant même la désignation des zones Natura 2000.
« La surmortalité d’oiseaux est souvent liée à des phénomènes migratoires, essentiellement la nuit où la visibilité est réduite (…) Il faut à tout prix éviter les zones où sont présents les grands rapaces et les haltes migratoires », précise Geoffroy Marx.
L’enjeu est donc de mieux planifier et de mieux considérer la préservation des espèces en amont.
Il n'y a encore pas assez de planification sur l'installation de ces parcs éoliens, surtout elle n'est pas assez contraignante. Ce qui explique que certains développeurs industriels peuvent être tentés d'obtenir des autorisations pour installer des éoliennes dans des sites sensibles. Nous, cela nous contraint de nous battre pour s'opposer à ces projets alors que nous ne sommes pas opposés à la transition écologique.
Geoffroy Mark, responsable du programme énergies renouvelables et biodiversité à la LPO
Des solutions existent
Pour éviter cette mortalité, certains chercheurs de l'Institut norvégien ont également suggéré de repeindre en noir une des pales de chaque éolienne. L'alternance de la couleur permettrait aux oiseaux de mieux voir les machines. Les chercheurs auraient observé une baisse de la mortalité notamment chez les rapaces.
"Cette solution fait débat, elle n'a pas fait ses preuves et elle n'a pas été reproduite ailleurs", précise Geoffroy Marx de la LPO. "Surtout ces phénomènes sont très ponctuels et difficiles à quantifier. Cela ne fait pas l'objet d'un consensus. De plus la couleur des éoliennes ne peut être changée en France, elle est imposée par un arrêté ministériel de 2018".
Des recherches sur l'acoustique et les voies de migrations sont aussi menées. Des techniques qui sont testées depuis une dizaine d'années autour des aéroports pour les étourneaux mais qui est très difficile à mettre en œuvre avec les grands rapaces.
Des caméras qui arrêtent l'éolienne quand un rapace approche
Dernier dispositif testé en France depuis dix ans, des caméras installées sur les éoliennes qui détectent les oiseaux quand ils arrivent à proximité et qui commandent l'arrêt des machines.
"Ce dispositif est testé sur le parc éolien du Causse d'Aumelas dans l'Hérault qui suscite beaucoup de polémique. Installé sur une zone Natura 2000, ce parc décime en effet depuis plus de dix ans les populations de faucons crécerellettes, une espèce rare de faucon. Les caméras permettent de réduire un peu leur mortalité mais nous retrouvons encore des faucons morts au pied des éoliennes. En effet le temps que l'oiseau soit détecté, que l'éolienne s'arrête, il s'écoule plus de 30 secondes, c'est trop long, ce n'est pas assez efficace", détaille Geoffroy Marx. .
La solution la plus efficace, c'est bel et bien de travailler en amont avec les industriels et les pouvoirs publics sur la localisation de ces parcs.
Le changement climatique, plus grand danger pour les oiseaux
Mais même si l'éolien représente une menace, c'est bel et bien le changement climatique qui reste la plus grande menace pour les oiseaux migrateurs et les rapaces. Il reste la première cause d'effondrement de la biodiversité.
80% des espèces d'oiseaux migrateurs seront menacées par le climat d'ici 2050 selon une étude publiée dans la revue Nature climate Change.
Pour la LPO, il ne s'agit donc pas de s'opposer à l'éolien mais bel et bien d'éviter de faire n'importe quoi, n'importe où.