"Ici, c'était la morgue" : il raconte l'horreur qu'il a vécue derrière les murs de cette abbaye, un ancien bagne

C'est un témoignage rare. Celui d'un ancien pensionnaire de l’Institution publique d'éducation surveillée d'Aniane. Pendant des décennies, des mineurs marginaux y ont été enfermés dans des conditions souvent très dures. Antoine Espinoza y a été envoyé en 1968.

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Antoine Espinoza n'a pas 18 ans lorsqu'il franchit pour la première fois l'enceinte de l'Abbaye d'Aniane et sa lourde porte. Derrière ces murs abandonnés au temps, il passera quatre années de sa vie.

En mai 1968, en pleine révolte étudiante, il est arrêté à Paris pour atteinte au bien de l'État. Il est enfermé le 2 septembre dans ce bagne pour enfants, qui entre-temps s'est assoupli pour un devenir un Institut spécialisé d'éducation surveillée, et pourtant...

"On nous lisait le règlement, on disait 'ouais' et paf, une baffe ! On dit oui monsieur !", se souvient Antoine Spinoza. 

L'Abbaye d'Aniane, transformée en Institut spécialisé d'éducation surveillée dans les années 70. © INA

Des évasions et des coups

L'Abbaye d'Aniane va accueillir pendant plus d'un siècle des mineurs cabossés par la vie. Des jeunes "qu'il fallait redresser", selon l'expression consacrée.

"À l'âge de 12 ans, j'étais livré à la rue ! Les seules mères que j'ai eues, pour moi, c’étaient les femmes de la rue, c’étaient les prostituées et pour moi, c’étaient les meilleures des mères. Elles m'ont appris à lire, m'ont appris à écrire et j'ai toujours eu un toit", se remémore Antoine. 

Après leur journée de travail, les colons rejoignaient les dortoirs de l’Institut public d'éducation surveillée. Les 130 pensionnaires apprenaient un métier et avaient droit à de rares sorties dans le village.

Une des cellules de l'Abbaye d'Aniane. © FTV

Alors l'envie de liberté était très forte. "Moi, je me suis toujours évadé, bon bien sûr, on était rattrapé. Ce n'était pas la même histoire. D'un seul coup, la cellule s'ouvrait cinq ou six heures après. Et il y avait un malabar qui rentrait avec un chef de service et en veux-tu en voilà, il vous mettait une tête comme une télévision", poursuit Antoine.

Chez ces mineurs souvent sans famille, les tentatives de suicide étaient fréquentes. "Ici, c’était la morgue", soupire l'ancien enfant du bagne. 52 ans plus tard Antoine n'oublie rien. "C'est sûr que ce n'était pas toujours rose, mais fallait faire avec", conclut le vieil homme. 

Lieu touristique 

Après les moines de Saint-Benoît, puis les jeunes bagnards, l'Abbaye d'Aniane se transforme pour accueillir des évènements culturels. En prenant garde de ne pas effacer le passé.

"Les gens gardent la mémoire de ce lieu et ils parlent de ce lieu comme du bagne ou de la colonie. Ils ont un peu oblitéré le côté médiéval et monastère. Mais maintenant que l'on communique sur ce lieu, le public touristique cherche plutôt l'abbaye médiévale", explique Marie Cristiani, responsable du service patrimoine à la Communauté de communes Vallée de l'Hérault. 

Le bagne d'Aniane, comme celui de Belle-Île-en-Mer, connaîtra les révoltes sanglantes des années 30, si bien racontées par Sorj Chalandon dans son roman "L'Enragé". Ils seront définitivement fermés en 1994 pour le premier, et en 1978 pour le second.

Une page de l'histoire pénitentiaire du pays. 

 

 

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