Le substitut du Lévothyrox des laboratoires Merck est au cœur d'une procédure judiciaire à rebondissement depuis sa mise sur le marché en 2017. Le jugement du volet civil de l'affaire regroupant plus de 4 000 plaintes doit être rendu le 5 mars. Pour le volet pénal, l'enquête est toujours en cours.
Une information judiciaire confiée au pôle santé du tribunal de grande instance de Marseille a d'abord été ouverte contre X le 2 mars 2018 pour tromperie aggravée, blessures involontaires et mise en danger de la vie d'autrui, afin d'enquêter sur les plaintes de milliers de malades de la thyroïde victimes d'effets secondaires de la nouvelle formule du médicament.
Fin novembre, le parquet a pris un réquisitoire supplétif du chef "d'homicide involontaire", a indiqué le procureur de la République, Xavier Tarabeux à l'AFP, confirmant une information publiée par le journal Le Parisien.
Cette élargissement de l'enquête fait suite à la demande des avocats de deux victimes, décédées brutalement alors qu'elles prenaient la nouvelle formule du Lévothyrox.
Parmi les victimes décédées, une Montpelliéraine de 48 ans.
Sa famille a pris contact avec Christophe Lèguevaques, avocat au barreau de Paris et Géraldine Adrai-Lachkar, avocate au barreau de Marseille, déjà engagés auprès des victimes du subsitut du Lévothyrox.
La famille T, originaire de Montpellier, avait pris contact avec nous après le décès su, aspect de Suzanne [prénom changé] survenu en août 2017. Suzanne, 48 ans, prenait du Lévothyrox et ne supportait pas la nouvelle formule.
Les deux avocats ont alors demandé au procureur de la République de Marseille d’ouvrir une enquête pour « homicide involontaire » pour la famille montpelliéraine et pour une autre famille originaire de la vallée du Rhône.
Selon les avocats des familles, dans les deux cas, des autopsies ont eu lieu. Et il n’a pas été découvert des facteurs de comorbidité ou la prise d’autres médicaments pouvant expliquer ces décès.
Ce n’est pas une victoire mais c’est une étape décisive. Pour les familles, il s’agit de la reconnaissance de leur deuil. Pour les autorités, c’est un signal fort : nous sommes bien face à une crise sanitaire majeure et toute la lumière doit être faite sur les comportements des uns et des autres
Christophe Lèguevaques, avocat des victimes, pointe aussi "la complaisance de certains à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui ont laissé commercialiser un produit dont la dangerosité était scientifiquement connue."
Pour sa consœur, Géraldine Adrai-Lachkar, ce supplément d'enquête, élargi à "homicide involontaire" est essentiel pour faire toute la lumière dans cette affaire.
L’enquête ne fait que commencer et il est important de réunir toutes les preuves pour obtenir la condamnation des responsables
De son côté, le laboratoire allemand Merck, à l'origine du substitut du Lévothyrox, a réagi en expliquant que cette étape judiciaire constitue une étape normale de la procédure, dès lors que des plaintes invoquent ce motif d'homicide involontaire.
L'avocat du laboratoire, Mario-Pierre Stasi, a assuré qu'il ne fallait tirer aucune conclusion de ce réquisitoire supplétif.
Je suis confiant dans la démonstration qui pourra être faite à terme d'absence d'infraction commise par Merck. Les conclusions des rapports de pharmacovigilance publiés en 2018 indiquent clairement qu'il n'y a pas de lien établi entre les cas signalés de décès et la nouvelle formule du Levothyrox.
Rappel des faits :
En 2012, une nouvelle formule du médicament avait été réclamée par l'Agence du médicament (ANSM) au laboratoire Merck, afin de rendre le produit plus stable dans le temps.
Arrivée sur le marché fin mars 2017, cette nouvelle formule ne portait pas sur le principe actif du médicament, mais seulement sur les excipients.
Une pétition pour réclamer le retour de l'ancienne formule avait rassemblé plus de 170.000 signatures début septembre. La comédienne Anny Duperey, une des patientes à avoir porté plainte, avait adressé une lettre ouverte à la ministre de la Santé Agnès Buzyn.
Face à l'ampleur du mouvement, la ministre avait annoncé le 15 septembre que l'ancienne formule du médicament serait à nouveau disponible.
Dès novembre, Merck avait cependant précisé que l'ancienne formule, l'Euthyrox, seulement disponible au compte-goutte, ne serait plus distribuée en France au-delà de 2018.
Dans le volet civil du dossier, une action collective a été engagée contre le laboratoire Merck, pour défaut d'information et préjudice d'angoisse. Le procès a eu lieu à Lyon en décembre. Le délibéré doit être rendu le 5 mars.
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