En France, en 2025, une personne sur dix rencontre des difficultés pour se nourrir chaque jour. C'est trois fois plus qu'il y a 10 ans. Créée il y a 40 ans par Coluche avec les Restos du cœur, l'aide alimentaire d'urgence s'essouffle. À Montpellier, des initiatives solidaires voient le jour pour assurer à chacun le droit de se nourrir dignement.
Personnes jeunes ou âgées, étudiants, familles entières, aujourd’hui, les laissés-pour-compte de l'alimentation représentent une population complètement hétérogène et en constante augmentation "ça fait une vingtaine d’années que je suis au Secours Populaire Français et je vois que les choses se dégradent de plus en plus".
Parmi les bénéficiaires de l'aide alimentaire d'urgence, Cyril. Père de famille, il est un habitué des Restos du Cœur. Victime d'un grave accident de moto qui l'a laissé handicapé, il élève seul ses enfants. Témoignant de l'importance de l'aide alimentaire qu'il reçoit, il constate l'augmentation des besoins face à des ressources de plus en plus limitées.
"Avant, on recevait un litre de lait par personne. Aujourd'hui, c'est un litre de lait par famille. Ça a vachement baissé, il y a trop de monde".
Cyril, bénéficiaire de l'aide alimentaire au Restos du coeur

Solidarité essentielle
Après avoir patienté dans la file d'attente, une mère de famille se voit accorder trois mois de colis gratuits. "Pour vous, il reste entre 0 et 2 euros par jour et par personne pour vivre", lui explique une bénévole. Puis vient le tour d'une jeune étudiante venue chercher de l'aide pour remplir son assiette. Comment peut-on rester indifférent face à une précarité alimentaire qui s'aggrave chaque jour ?
J'ai vu une maman repartir en pleurs, et la santé des personnes agées se dégrader, ça fait mal au coeur
Une bénévole
Les centres d'aide alimentaire d'urgence, comme les Restos du Cœur de l'antenne de Centrayrargues, situés dans un quartier populaire de Montpellier, sont animés par l'énergie de leurs bénévoles. Parmi eux, Yolande. Une figure incontournable, un véritable pilier. Depuis son arrivée il y a 12 ans, elle incarne l'âme des Restos, toujours prête à accueillir, écouter, et épauler ceux qui en ont besoin.
Son engagement trouve ses racines dans une expérience personnelle douloureuse. "À 8 ans, j'ai connu quelque chose de très difficile. Je sais ce que c'est de fouiller dans une poubelle pour manger", confie-t-elle. Cette souffrance passée lui permet aujourd'hui de trouver les mots justes, ceux qui apaisent et redonnent espoir. "Quand on a souffert, on sait souvent comment aider ceux qui souffrent en face de nous".
En France, une personne sur 10 a des difficultés chaque jour pour manger. C’est 3 fois plus qu’il y a 10 ans. Aujourd’hui, l’aide alimentaire n’arrive plus à faire face.
Cyril a tissé un lien particulier avec Yolande. Il trouve en elle une oreille attentive et bienveillante. "Il sait que je suis là et qu'il peut me parler", raconte la bénévole.
Tout au bout de la chaîne alimentaire
Tandis que les colis arrivent à l'aide alimentaire du Secours populaire français, Saïda, une bénévole, explique : "Ce sont des produits fabriqués spécialement que l'on ne trouve pas dans les supermarchés".
"L'aide alimentaire est au bout de notre système de consommation. Elle dépend du surplus de la grande distribution et des produits spécifiques financés par l'union Européenne" nous explique dans son film, Valérie Simonet, réalisatrice du documentaire.
Aujourd'hui, Saïda propose un déjeuner "dégustation". Elle explique : "J'essaye tous les produits que l'on nous donne pour savoir conseiller les personnes car ce ne sont pas des produits de meilleure qualité et c'est très difficile quand on a quelque chose dans l'assiette qui n'est pas bon."
Le riz, c'est des brisures, c'est le grain de 4e qualité et si on le fait cuire directement sans le laver, c'est une catastrophe.
Saïda, bénévole au Secours populaire
"Je rajoute du cumin pour parfumer les steaks", elle "triche" comme elle dit, à coups d’épices et de savoir-faire pour donner du goût aux aliments, pour les rendre meilleurs.
Un droit humain fondamental
À Montpellier, un collectif d'associations expérimente une "Sécurité sociale de l'alimentation" pour garantir à chacun un budget minimal permettant de se nourrir dignement chaque mois.
On devrait pouvoir, comme on va chez le médecin et sans se poser la question des moyens, bénéficier d'une "carte vitale" de l'alimentation qui garantirait à chacun un budget minimal pour se nourrir dignement et sainement chaque mois".
Une personne à la tête du dispositif
Ce projet repose sur une Caisse alimentaire commune, où 400 participants contribuent en fonction de leurs moyens financiers tout en recevant une somme identique pour accéder à une alimentation saine et équilibrée.
La distribution de denrées, bien sûr très utile, repose quand même sur la surproduction industrielle de notre alimentation.
L'objectif est de créer une initiative pour avancer sur la question du droit à l'alimentation, reconnu comme un droit humain fondamental, en testant l'utilisation d'une monnaie locale dédiée aux achats alimentaires, appelée la Mona.
Une adhérente au projet se manifeste pour avoir plus de précisions "Tu auras 100 mona (100 mona = 100 euros) que tu pourras utiliser en faisant tes courses et ta cotisation dépendra de tes revenus" lui explique-t-on. Cette monnaie se dépensera uniquement dans des épiceries solidaires et des supermarchés coopératifs partenaires, conventionnés par la caisse commune.

Le projet est encore en phase de développement, et des réunions régulières permettent d’en préciser les contours. Parmi les questions centrales : comment déterminer équitablement la contribution de chacun sans exiger de justificatifs ? Et surtout, quel montant mensuel permettra de répondre efficacement aux besoins alimentaires des bénéficiaires ?
Dans son documentaire "Manger pour vivre", Valérie Simonet, la réalisatrice, fait le tour du dispositif et explique comment fonctionne l’aide alimentaire tout en filmant la réalité des bénévoles et des personnes qui en bénéficient.
Le film nous livre un constat alarmant sur l'aggravation de la précarité et les tensions qui pèsent sur les dispositifs d’aide et qui rendent encore plus précieux, voire crucial, la présence des bénévoles et le rôle des associations dans la lutte contre la pauvreté.
"Manger pour vivre", un film de Valérie Simonet à voir le jeudi 23 janvier à 22h50 et sur france.tv. Une coproduction Comic Strip production et France 3 Occitanie (France Télévisions).