Ce vendredi 26 février, troisième jour du procès, devant la cour criminelle de l'Hérault, l'homme sage-femme a été condamné à 12 ans de réclusion criminelle. Ce maïeuticien de Montpellier est accusé de viols et d'agression sexuelle sur des femmes qu'il suivait dans le cadre de leur grossesse.
Le sage-femme comparassait, ce vendredi 26 novembre, devant la nouvelle cour criminelle de l'Hérault, à Montpellier, pour des faits de viol et d'agression sexuelle sur des patientes, perpétrés entre 2013 et 2016. Il a été condamné à 12 ans de réclusion criminelle.
Je suis contente d'avoir été reconnue en tant que victime. Je suis contente que toutes les victimes aient été reconnues en tant que telles. Là, je suis partagée entre être contente et triste, épuisé d'avoir passé ces trois jours éprouvants ici.
En fin d'après-midi, l'avocat général avait requis vingt ans de réclusion criminelle, soit la peine maximale encourue par l'accusé compte tenu de sa position d'autorité en tant que soignant.
"Il a touché à l’intimité profonde de ces femmes", a développé dans ses réquisitions Albert Cantinol, qui ajoute : "Cet homme a une double personnalité : un côté charmant et charmeur, il met à l’aise autant les femmes que leur mari, mais aussi son côté agresseur qui change de voix, ne dit parfois pas un mot.".
Onze viols
Cette troisième et dernière journée d'audience a d'abord été consacrée à l'audition des derniers témoignages. Au total, douze femmes, dont quatre se sont constituées parties civiles, ont été identifiées comme victimes présumées de gestes perpétrés au cours de consultations de préparation à l'accouchement ou de rééducation périnatale.
Pour onze d'entre elles, les accusations portent sur des pénétrations digitales exercées sous la contrainte ou la surprise, et donc qualifiables de viols.
Au coeur du procès : la question du consentement des patientes, accordé d'abord à un acte médical. Les témoignages des victimes évoquent des gestes qui débordent cette fonction et qu'elles assimilent à une masturbation non désirée. Ces récits se recoupent sur le mode opératoire, les gestes et les propos de l'accusé.
L'une des femmes a notamment raconté, en pleurs, un massage non souhaité du périnée lors d'une séance effectuée à quelques jours de son accouchement. Elle n'a pas porté plainte, ce qu'elle a affirmé regretter aujourd'hui.
"Jamais intentionnel"
Puis est venu le tour du maïeuticien de s'exprimer. "J’ai entendu la souffrance et j’en suis vraiment désolé, a-t-il d'abord déclaré.
J’ai une part de responsabilité dans la souffrance de ces patientes mais ça n’a jamais été intentionnel. J’adorais ces patientes.
Niant toute volonté dépassant le cadre de sa pratique, il évoque des soins, comme du shiatsu, de l'acupuncture ou encore l'emploi d'huiles essentielles. Mais la cour relève deux plaintes, en 2011 et 2012 : s'il n'a pas été condamné, l'ordre des sages-femmes a alors été alerté et le Montpelliérain a cessé d'exercer à la clinique Saint-Roch.
"Ma préparation en pré et post natal était beaucoup basée sur la sexualité", a-t-il affirmé, précisant : "Je demande toujours l’accord des patientes quand je m’approche des organes sexuels." Lors de l'audience, le mis en cause, qui ne pratique plus après avoir demandé sa radiation à l'ordre en 2016 et vit aujourd'hui en Corse, a toutefois reconnu avoir eu des gestes non-déontologiques avec deux patientes. Il affirme avoir été amoureux d'elles et pensé à une réciprocité.
"Pervers"
Une version battue en brèche par les plaidoiries des avocats des parties civiles. Me Francis Tour, conseil de l'ordre des sages-femme a pointé un "comportement de pervers". "Il pratique les actes dénoncés quand il est seul avec ses victimes, a-t-il appuyé, et dit à celles qui l’interrogent de ne pas parler de ses pratiques". L'accouchement, sa préparation et la rééducation qui suit "ne sont pas des moments sexuels, une sage-femme n’est pas là pour faire jouir sa patiente", a de son côté martelé Me Luc Abratkiewicz, avocat de l'une des victimes.
On ne peut pas parler de maladresse, dire qu’on est allé trop loin quand il y a douze témoignages identiques. Ce n’est plus du dérapage...
"S’il avait été une femme, aujourd’hui il ne serait pas devant vous", a ensuite lancé l'avocate de la défense, Me Maryse Pechevis, qui a évoqué quant à elle les "centaines de patientes" qui pourraient témoigner positivement de leur prise en charge par son client. "On va lui reprocher d’évoquer la sexualité sans gêne ni tabous et ça, c’est le cœur de ce dossier, a-t-elle ajouté. Mais ça fait partie du métier."
Cinq magistrats professionnels étaient chargés de juger cette affaire dans le cadre de la cour criminelle de l'Hérault, instance en expérimentation pour les crimes passibles de 15 à 20 ans de prison. Le verdict a été rendu tard dans la soirée, à l'issue de près de deux heures de délibérations. "On est très instatisfaits, a souligné Me Maryse Pechevis. On réfléchit aux voies de recours. On va peser le pour et le contre. Dans tous les cas, on ne peut pas se réjouir d'une telle sanction. On ne s'attendait pas à ça. On accuse le coup." Son client a désormais 10 jours pour faire appel.