Restaurants fermés, concerts annulés : ce dimanche 14 février, peu d'événements permettaient aux couples de se fêter et aux coeurs esseulés de se divertir. La Foire aux livres et vieux papiers, à Sète, se tenait pourtant et faisait la part belle à la sensualité.
Ce dimanche 14 février, jour des amoureux, Marie a bien prévu un repas avec l’homme auquel elle est mariée depuis 35 ans - "avec des bougies", précise-t-elle. Mais avant, détour par la Foire aux livres et vieux papiers de Sète. Sur les stands des bouquinistes, un thème récurrent et de circonstance : l’érotisme. Le Kama Sutra côtoie les traités sur l’homosexualité féminine ou encore les fictions grivoises anonymes. "C’est très bien, c’est la Saint-Valentin et je trouve que des fois il faut érotiser un peu les choses !", sourit la retraitée.
"Ça permet de s’ouvrir à d’autres choses, estiment Sylvie et Christophe. C’est comme un livre de cuisine : "Oh bah tiens celle-là, je n’y avais pas pensé !"." Le couple est venu ensemble trouver de quoi enrichir sa bibliothèque. Avec les mesures sanitaires liées à la pandémie de Covid-19, rares sont les sorties possibles pour les amoureux en ce jour qui les fête. Malgré tout, ils estiment que les confinements ont été pour eux l’occasion se retrouver et "rentrer encore plus en osmose".
On s’est peut-être retrouvés. Effectivement, on partage des moments plus longs ensemble. Les gourmandises aussi, et on prend un peu de poids !
"Ne reste plus que le livre"
Les occasions au romantisme n’ont pourtant pas été nombreuses l’année écoulée. En atteste l’effondrement du nombre des mariages : – 34,1 % par rapport à 2019, selon l’Insee, qui note qu’il n’y en a eu "presque aucun (…) en avril-mai, et nettement moins que les années précédentes en juin-juillet". De même pour les Pacs qui, pour la première fois depuis 2011, ont reculé.
Beaucoup de célibataires témoignent également de leur isolement. Avec l’extension du télétravail et la fermeture des lieux de convivialité, les rencontres sont plus difficiles - au profit des sites de rencontre ou au recours accru aux accessoires, selon un sondage Ifop publié en janvier. "C’est vrai que ça a coupé un peu court à pas mal de choses", admet Pauline. "Il ne reste plus que le livre comme ami, comme amour, comme relation, comme intimité", se lamente Abdelkhader, récemment séparé. "Plus dans la spiritualité", il n’espère toutefois pas se réfugier dans ce qu’il considère comme "une littérature de fantasme".
"Traduire les émois"
Cette foire et les découvertes qui l’accompagneront pourraient bien être l’occasion de "s’aérer aussi bien l’esprit que le cœur", selon la formule de Jean-Pierre, bouquiniste. "L’érotisme français a toujours été, expose-t-il. Vous savez, le Siècle des Lumières en parlait déjà !" Même s’il remarque une évolution, avec l’émergence d'auteures.
Les femmes se mettent à écrire sur les hommes, il y a un côté revanche très agréable à lire. Elles ont une façon de voir les choses, une sensibilité que, moi, je trouve agréable. Il y a même un livre documentaire écrit par les femmes sur le clitoris. C’est formidable : vous voyez un homme écrire ça ?
Depuis trois ans, Michel aussi le reconnaît : il parcourt tous types de livres. "Il faut que je sache ce que je vends", plaide le bouquiniste. "C’est la vie, argumente-t-il, donc je trouve que c’est bien qu’en littérature on ait pu traduire les émois que l’on peut avoir en rencontrant quelqu’un. Quand il y a des gens qui écrivent des livres sur une idylle amoureuse, et qu’il n’y a pas de sexe dedans, je trouve que c’est manquer quelque chose." Une limite toutefois, et de taille : "Quand c’est mal écrit, c’est infect !"