Le procès du pont de Gênes a repris ce mardi 13 septembre devant la justice italienne. Directeurs d’autoroute, techniciens sont jugés suite à l’effondrement du viaduc qui a couté la vie à 43 personnes en août 2018. Parmi les victimes : Mélissa, une jeune femme de 21 ans originaire de Cahors. Son père témoigne.
Depuis le 14 août 2018, Gilles Bastit doit réapprendre à vivre avec l’absence de sa fille Mélissa. Elle est l’une des 43 victimes de l’effondrement du pont Morandi au cœur de Gênes en Italie. La jeune femme et trois amis se rendaient à un concert en Sicile. Quatre ans après le chagrin demeure.
On se débrouille comme on peut avec le manque de nos enfants, l’absence de leurs rires. Des enfants vont voir un concert, sur la route un pont s’effondre et ils perdent la vie en 5 secondes. Il y a la vie et ses aléas. Dans les histoires de vie on voit des gens mourir et puis un jour, la malchance tombe sur votre famille.
Gilles Bastit, père de Mélissa
Gilles Bastit est aujourd’hui un père meurtri, mais sans amertume ni colère. Il a suivi, à distance, la première audience au mois de juillet. Il gardera un œil sur le procès qui a redémarré ce mardi 13 septembre. Mais au fond il n’en attend rien. "Nous n’avons jamais reçu d’excuses de qui que ce soit jusqu’à présent et je crois que nous n’en n’aurons pas."
Ce n’est pas la justice qui permet aux familles de faire leur deuil. Une ou des condamnations ne changeront rien. Moi, ce que je souhaite c’est qu’un tel accident ne se reproduise pas. Il faudrait que l’on se penche sur l’entretien des ponts avec un cahier des charges sur 50 ans !
Comment dépasser cette épreuve ?
D’une voix posée, chaleureuse, Gilles Bastit raconte comment il fait face à sa douleur, comment après pareil drame les priorités de vie se réorganisent. "Le bonheur, ce n’est pas ce que l’on a, mais ce que l’on partage", affirme ce médecin généraliste spécialisé en addictologie. "Mon travail m’a aidé dans ce que l’on appelle la résilience. Aider les autres, accompagner des personnes précaires ou bien qui souffrent d’addiction, c’est ce qui nourrit ma vie. Sinon c’est le vide", explique-t-il, un sourire dans la voix.
Quatre ans après la perte de sa fille, Gille Bastit n’est plus en contact avec les familles des trois autres victimes françaises qui voyageaient dans le même véhicule que Mélissa. "Parce que chacun vit son deuil comme il le peut", souligne-t-il.
De la surmédiatisation au silence
Les familles se sont senties surexposées médiatiquement au lendemain de l’accident jusqu’aux obsèques de leurs proches, avec le sentiment que l’on traquait leurs larmes et leur chagrin.
"C’est très difficile d’enclencher un processus de deuil dans ces conditions. Et puis, passée l’émotion, notre sort n’intéresse plus personne. Le président Macron a fait des discours, mais pas un mot directement aux familles. C’est comme ça. En revanche, à Gênes, l’accueil de la population a été d’une extraordinaire humanité. En tant que père cela m’a beaucoup touché et suscité une grande émotion."
L'entretien se termine et l'on voudrait témoigner à ce père endeuillé une forme de compassion, d'empathie par un "bon courage". Mais Gilles Bastit nous devance. "Les gens me disent parfois bon courage. Mais il n'y a pas de courage à avoir. Juste, on fait face. Et on n'a pas le choix."
Le procès qui doit faire la lumière sur les responsabilités et les causes de l'effondrement du pont de Gênes devrait durer deux voire trois ans.