
En matière de maladies professionnelles, liées à l'exposition à des produits toxiques comme l'amiante ou les solvants, des décisions de justice apparemment contraires sont prises, selon qu'elles relèvent de la justice pénale ou de la justice civile. En Occitanie, des victimes en ont fait les frais.
Plusieurs non-lieux
En juillet 2019 en effet, les juges d'instruction parisiens ont rendu le 10 juillet une ordonnance de non-lieu après plus de 20 ans d'enquête. "Il apparaît impossible de déterminer qui était aux responsabilités au sein de l'entreprise (...) et quelles réglementations s'imposaient à cette date inconnue", indique l'ordonnance de non-lieu.Les anciens dirigeants de la société Eternit, premier producteur français d'amiante-ciment, étaient poursuivis depuis 1996 pour avoir involontairement causé la mort de 23 salariés et occasionné des blessures involontaires à 10 salariés entre 1971 et 1994. Ils avaient été mis en examen en 2009. Parmi les plaignants, des anciens salariés de l'usine Eternit de Terssac, près d'Albi, dans le Tarn.
Cette décision de juillet 2019, n'est pas isolée. En 2011 déjà, la Cour d'appel de Paris avait annulé six mises en examen dans l'enquête sur la mort d'anciens salariés d'Eternit.
Et ce même mois de juillet 2019, les magistrats instructeurs ont ordonné, conformément aux réquisitions du parquet de Paris, un non-lieu dans l’affaire de l’exposition à l’amiante de 22 salariés de l’équipementier automobile Valeo-Ferodo à Condé-sur-Noireau (Calvados), entre 1952 et 2007. Cinq ex-cadres de Ferodo-Valeo étaient mis en examen dans ce dossier pour homicides et blessures involontaires. "Il n’est pas possible de déterminer a posteriori une date précise d’intoxication par les fibres d’amiante", ont écrit les juges, dans leur ordonnance datée du 17 juillet.
Pourquoi cette différence entre droit pénal et droit civil ?
Contrairement au droit de la sécurité sociale, la date de la simple exposition ne peut pas être, selon les juges d'instruction, retenue en droit pénal. Un argument que réfutent les associations de victimes comme l'Andeva (association nationale de défense des victimes de l'amiante et autres maladies professionnelles). Selon elles,c'est un non-sens d'évoquer une contamination, puisqu'il s'agit en fait de périodes d'exposition. C'est l'accumulation dans le temps des fibres dans le poumon qui déclenche, à un moment donné, la maladie. Le code du travail prévoit d'ailleurs que les employeurs délivrent une attestation d'exposition aux salariés concernés, et non pas une attestation de contamination.Pour les victimes, ces décisions indiquent la volonté de l'Etat d'enterrer le scandale de l'amiante en faisant durer les procédures.
Un autre recours
Mais pour autant, pas question pour les victimes de baisser les bras. Pourquoi ne pas se contenter de la justice civile qui a, à de nombreuses reprises, reconnu le préjudice subi, jusqu'au préjudice d'anxiété pour les salariés exposés mais dont aucune maladie n'est déclarée ? C'est un combat symbolique pour les victimes : le droit pénal pose des interdictions d'usage, un procès pénal permettrait donc, selon les associations, de contribuer à une meilleure prévention.L'AVA (association nationale des victimes de l'amiante et autres polluants) a annoncé début 2019 qu'elle lançait, par le biais de ses avocats, une citation directe collective des victimes de l'amiante visant les responsables nationaux de "cette catastrophe sanitaire qui fera plus de 100 000 morts". Une procédure qui permettrait d'obtenir l'ouverture d'un procès au pénal d'ici un ou deux ans.