Fondée en 2003, l'association Le Refuge accueille les jeunes homosexuels en détresse. Reconnue d'utilité publique, elle se développe dans toute la France.
"Etre hébergé par Le Refuge, ça me permet de me poser et de réfléchir à ma vie future": depuis deux mois, Walib* est accueilli par cette association d'aide aux jeunes homosexuels en détresse, qui vient d'étendre son maillage au sud et à l'ouest de la France face à une homophobie qui ne faiblit pas."Ma famille a découvert mon homosexualité par hasard, alors que j'écrivais à mon copain. C'est elle qui m'a obligé de partir", dit le jeune homme âgé de 21 ans. Après avoir trouvé asile chez un de ses amis, Walib a fait appel au Refuge qui l'a orienté vers une de ses antennes, dans le sud de la France.
Deux nouvelles antennes
"Aujourd'hui, je me sens plus serein, car je suis loin de ma famille", dit Walib, qui, en quelques semaines, a trouvé du travail. A l'instar du jeune homme, Le Refuge accueille, via les 15 antennes créées dans toute la France, de Marseille à Strasbourg, de Lille à Bordeaux en passant par l'Ile de la Réunion, 75 jeunes gays, lesbiennes ou transgenres, forcés, parfois sous la menace, de fuir leur domicile en raison de leur orientation sexuelle. L'association a ouvert ces derniers mois deux nouvelles antennes à Nice et à Rennes.Depuis 2003, date de sa création à Montpellier, ce sont plus de 600 jeunes qui ont été accueillis, pour six mois maximum, soit dans des appartements gérés directement par le Refuge, soit dans des chambres d'hôtel, selon son fondateur, Nicolas Noguier.
La seule association de ce type en France
Des jeunes confrontés à l'exclusion, au parcours souvent chaotique une fois partis du domicile familial, et qui, outre l'hébergement, sont aussi pris en charge au niveau social, médical et psychologique par les bénévoles et salariés de l'association.A Nice, le besoin de créer une antenne "s'est imposé", car "la Côte d'Azur représente un million d'habitants", "et il n'y a pas moins d'homophobie" que dans les autres régions, analyse son responsable, Bruno Turin. "C'est même une population vieillissante, pas particulièrement tolérante et ouverte",
ajoute-t-il, soulignant que dès sa création, en septembre, l'antenne a accueilli deux jeunes, bientôt rejoints par un troisième.
"Ils sont hébergés dans un appartement loué à l'année", explique Bruno Turin. On verra à l'avenir s'il y a possibilité d'avoir un deuxième appartement, mais il faut d'abord que notre équipe se stabilise", dit-il.
A Rennes, "le projet est né en octobre 2014", partant du constat que tout le quart nord-ouest de la France, de Bordeaux au Havre, était dépourvu de structure d'accueil et d'accompagnement à destination de ces jeunes."Or, la Bretagne, la Basse-Normandie et les Pays de la Loire représentent 18%
de la population", explique le co-fondateur de l'antenne rennaise, Pierre-Meunier-Breton.
Forts taux de suicides
Et dans ces régions, l'environnement rural est parfois un grand facteur d'isolement. Le maillage territorial du Refuge, seule association de ce type en France, déclarée d'utilité publique, apparaît d'autant plus important que, selon l'Obervatoire des suicides, les tentatives parmi les 18-30 ans "sont notablement plus fréquentes chez les hommes et les femmes homosexuels ou bisexuels".Une étude de 2005 réalisée par le Dr Marc Shelly estimait même que "les jeunes gays ou bisexuels avaient treize fois plus de risques de faire une tentative de suicide que les hétérosexuels de même âge et de même condition sociale".
"Je pensais que cela resterait régional", le fondateur
Autre facteur: les appels au Refuge ne cessent d'affluer, notamment depuis le débat sur le mariage pour tous et les manifestations qui l'ont ponctué, assure Nicolas Noguier. A cette occasion, "beaucoup de jeunes ont été désespérés par la libération de la parole" homophobe, témoigne-t-il. Beaucoup nous ont contactés parce que leurs parents tenaient ce genre de propos sans savoir que leur enfant était homosexuel", poursuit-il."Quand j'ai créé Le Refuge, je pensais que nous allions rester une association régionale", souligne Nicolas Noguier. "Je ne pouvais pas imaginer que des délégations seraient créées partout en France".
(*) le prénom a été changé