L’Espagne fait face à une grave crise du logement avec des prix qui se sont envolés et une offre qui s’est réduite. Pour tenter de répondre à cette crise, le gouvernement de gauche a annoncé une série de mesures… dans le viseur des autorités : airbnb et les investisseurs étrangers.
En Espagne, la plupart des grandes villes connaissent une importante crise du logement. Barcelone ne fait pas exception à la règle, bien au contraire. En dix ans, la capitale catalane a vu les prix des loyers s'envoler. Une augmentation qui atteint aujourd'hui des sommets, + 70%.
Conséquence directe de cette flambée des prix, les Barcelonais sont obligés de quitter leur ville. Bientôt, ce sera peut-être le cas d'Ivan.
Installé dans son appartement depuis 25 ans, Ivan a toujours payé son loyer. Mais le propriétaire de son immeuble a entamé une rénovation intégrale de l'édifice et construit des logements plus petits, plus luxueux et donc plus rentables. Peu à peu, tous les locataires ont été contraints de partir. Ivan, lui, s'y refuse mais la justice vient d'ordonner son expulsion. Alors il prépare ses cartons.
Ils expulsent les gens comme moi ou comme ceux de cet immeuble. On fait face à l'arrivée de nouveaux habitants étrangers. Évidemment, ces gens gagnent beaucoup plus que les locaux. Et avec les prix qui montent, c'est difficile de faire le poids. Si je m'en vais, ce sera impossible pour moi de trouver quelque chose.
Ivan Giesen, résident en cours d'expulsion à Barcelone
Les habitants de son quartier ont apporté leur soutien à Ivan, mais pour lui, comme pour des milliers d'autres, le combat est déséquilibré. Rien ne semble pouvoir freiner la flambée des prix. Hôtel luxueux, cafés de spécialité, boulangerie chic... Le quartier où il réside, proche de la Sagrada Familia, fait face à une gentrification galopante.
Barcelone victime de son succès
Barcelone, victime de son succès. Difficile d'affirmer le contraire. Trouver un deux-pièces à moins de 1.200€ par mois est désormais devenu mission impossible. C'est en tout cas le constat de Josep Maria Raya, professeur agrégé d'économie à l'université de Barcelone. Selon lui, le problème tient au fait que l'Espagne n'a pas assez construit de logements.
On a seulement 2% de logements public sur l'ensemble du marché. Et le privé a arrêté de construire. Chaque année, on produit autour de 110 à 120 000 logements neufs en Espagne. Or tous les ans, le pays gagne près de 300 000 habitants notamment avec l'immigration. On a donc un manque exceptionnel de logements, qu il sera difficile de résoudre en un an.
Josep-Maria Raya, Professeur agrégé d'économie appliquée à l'Université Pompeu Fabra
Des mesures pour encourager le marché locatif
Le gouvernement central espagnol annonçait dernièrement à ce sujet une série de mesures dont la construction de logements sociaux et d'aides fiscales pour encourager la mise sur le marché locatif de logements vides. Une manière pour le premier ministre de s'attaquer aux appartements touristiques.
Il y a trop d'Airbnb et pas assez de logements. Le devoir du gouvernement c'est donc de donner la priorité à l'usage résidentiel des appartements. Et éviter que l'usage touristique et spéculatif se développe de façon incontrôlée
Pedro Sanchez, Premier ministre espagnol
Les mesures du gouvernement Sanchez prévoient d’ores et déjà une taxation plus importante de la plateforme du géant américain de la location de courte durée, Airbnb. Également dans le viseur, les investisseurs étrangers. Sanchez veut interdire l'achat de logements par des non-Européens. Un projet qui inquiète bon nombre d'agences immobilières de la péninsule ibérique.
L'investisseur étranger arrive avec un pouvoir d'achat, il crée de l'emploi, fait augmenter le secteur de la construction, il participe au tourisme. L'Espagne est un pays très orienté vers le tourisme donc c'est pour moi un risque conséquent de perte d'activité et de revenus.
Elodie - Natalie Brabant, iad España
Mais pour les associations qui défendent le droit au logement, les annonces du gouvernement ne vont pas assez loin. Pour faire pression, certains collectifs appellent désormais à une grève des loyers.
Écrit en collaboration avec Henry Villetard De Laguery.