Carles Puigdemont, visé par un mandat d'arrêt international, avait été arrêté en Allemagne il y a quelques jours. Mais la justice allemande a finalement refusé son extradition pour rebéllion. Il pourrait cependant être remis à l'Espagne pour "détournements de fonds publics".
La justice allemande a annoncé ce jeudi soir la remise en liberté sous contrôle judiciaire de l'ex-président catalan Carles Puigdemont, estimant qu'une éventuelle extradition vers l'Espagne ne pourrait se faire qu'au motif de détournement de fonds publics et non de rébellion comme le demande Madrid.
Le tribunal compétent du Schleswig-Holstein, où l'indépendantiste est incarcéré, a estimé dans un communiqué que les faits de "rébellion" qui lui sont reprochés par la justice espagnole dans le mandat d'arrêt européen ne pouvaient être retenus au regard du droit allemand. Les magistrats allemands ont estimé que cette charge ne pouvait être retenue car elle supposerait en effet que Puigdemont se soit directement rendu coupable de faits de violence ou que l'ampleur des violences aient contraint l'Etat espagnol "à céder". "Ce n'est pas ici le cas", tranchent-ils, prenant à leur compte la position des partisans de l'ancien chef du gouvernement autonome catalan.
Seules les accusations de détournements de fonds publics, en lien avec l'organisation du référendum d'indépendance de la Catalogne en octobre, peuvent constituer un motif de remise à l'Espagne mais ne justifient pas en soi un maintien en détention, a jugé la Cour.
Selon Madrid, le référendum était illégal et a coûté 1,6 million d'euros. Le tribunal a demandé à l'Espagne davantage d'éléments pour étayer sa position.
"Nous nous voyons demain"
Carles Puigdemont, ancien président de la Catalogne, avait été interpellé fin mars en Allemagne. Il revenait d'un déplacement en Finlande, en voiture, pour retourner en Belgique où il s'est installé pour échapper à la justice espagnole. Son arrestation a donné lieu à une importante mobilisation des indépendantistes, qui ont manifesté pour demander sa libération.
Puigdemont doit sortir de prison ce vendredi 6 avril. "Nous nous voyons demain. Un grand merci à tous !" a-t-il tweeté après la décision surprise du tribunal régional allemand.
Ens veiem demà. Moltes gràcies a tothom! #LlibertatPresosPolítics pic.twitter.com/quG18LKvQp
— Carles Puigdemont (@KRLS) 5 avril 2018
Sous condition
Remis en liberté sous contrôle judiciaire, M. Puigdemont doit d'abord remplir formellement toutes les conditions, à commencer par le volet financier : il lui faut payer une caution de 75.000 euros.
Une fois dehors, il lui sera interdit de quitter l'Allemagne dans l'attente d'une décision finale sur son cas et devra pointer une fois par semaine dans un commissariat.
Il peut toutefois se targuer d'un premier succès judiciaire notable.
En Catalogne, "tension" apaisée
"C'est une nouvelle qui enlève de la tension et de la pression en Catalogne, au niveau de la rue, momentanément, en écartant la possibilité que M. Puigdemont soit extradé pour rébellion, même si rien n'est résolu sur le fond", a déclaré à l'AFP le politologue Oriol Bartomeus, professeur de sciences politiques à l'Université autonome de Barcelone.
Si le leader indépendantiste n'est remis à l'Espagne que pour détournement de fonds, c'est le principal pan de l'accusation de Madrid qui tombera : en vertu de la législation européenne, il ne pourra plus en effet être jugé en Espagne pour rébellion.
Les faits de "détournement" de fonds restent, eux, punis de quatre à huit ans de prison.
Trois anciens ministres indépendantistes catalans dont l'Espagne réclame l'extradition ont de leur côté été remis en liberté sous conditions ce jeudi par la justice belge.
Neuf indépendantistes sont actuellement en détention provisoire en Espagne, dont six anciens membres de l'exécutif de la province et l'ancienne présidente du parlement catalan.