Avec beaucoup de retard - et toutes nos excuses-, voici le n° 107 de Signes du toro. Une émission tout entière consacrée à Iván Fandiño.

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Le numéro 107 de Signes du toro est consacré à Iván Fandiño. Nous l'avons composé en entremêlant des morceaux de faenas et des interviewes du maestro avec des témoignages de personnalités du mundillo rencontrées cet été au gré de nos tournages.

Nous n'avons pas croisé Florent Moreau, il n'est donc pas dans l'émission. Mais le texte qu'il a publié le lendemain du drame dans l'hebdomadaire Semana Grande est particulièrement juste. Et émouvant. Nous le reproduisons dans son intégralité après la vidéo.




Viennent en juin les jours les plus longs de l'année, où sortent des toros chaque week-end, et où le soleil et les sables des arènes deviennent de plus en plus chauds. Parfums d'été.
Hier, après avoir assisté à cette corrida des fêtes d'Aire-sur-l'Adour, c'était la nuit. Il est arrivé un malheur. Et il faut écrire, non pas à contre-coeur, mais avec passion et conviction. Écrire mais éviter les détails, le superflu, car maintenant, malheureusement, il est trop tard.
Dans la vie de tous les jours ou dans l'arène, je préfère conserver l'image vivante et rayonnante des gens. Au moment où l'on a vu Iván Fandiño tomber sur le sable, poussé par la corne du toro "Provechito", numéro 53, de Baltasar Ibán, on s'est dit que comme les autres fois, bien sûr, il se relèverait.
Je me souviens d'il y a dix ans, de ce vent de fraîcheur venu du Nord. Un jeune torero du Pays Basque, Iván Fandiño, sur le sable des arènes de La Brède en juin 2007. Il me semble qu'il s'agissait à l'époque de sa première corrida dans le Sud-Ouest. Face à des toros de Los Bayones, la technique était certes en rodage, mais en revanche, il y avait beaucoup de détermination et d'idées.
Un vent frais, tourbillonnant, venu du village d'Orduña, pas si loin de Bilbao. Un jeune homme, Iván Fandiño, parti de loin, car lorsqu'il était novillero, il accusait un véritable surpoids. Fandiño a lutté, et s'est imposé. Gagnant les luttes, une à une, face aux toros et aux blessures.
Un torero puissant, capable de retourner une arène en citant de loin un toro de Cuadri en 2011 à Madrid. Quel souvenir. Des estocades sans se soucier des possibles blessures, en volant sur les cornes des toros. Un Guardiola, et quelques années plus tard un Parladé, ce qui lui permit d'ouvrir la Grande porte des arènes de Las Ventas.
Un torero très apprécié, en Espagne, à Madrid, et aussi en France où il a connu le triomphe à de nombreuses reprises en quelques années à peine. L'image d'un torero puissant, comme invincible, avec la baraka l'accompagnant tout le temps. Une putain de force, capable de rivaliser en toutes circonstances. Et là, dans ce domaine, les souvenirs ne manquent pas.
Iván, souriant à l'extérieur des arènes, et au visage plus fermé une fois à l'intérieur, c'est un torero fort. La volonté d'embarquer, et de croquer tous les toros. Une envie de triomphe, si belle à voir, un vent de fraîcheur à un moment où l'on attendait un torero de cette catégorie. C'était lui.
Les défis n'ont pas manqué, comme ce seul contre six à Madrid au mois de mars 2015, remplissant complètement les arènes, mais qui se solda sans résultat malheureusement. Depuis cet échec, Iván a toujours eu des sursauts d'orgueil, une façon d'affirmer son terrain et sa présence.
Dans les rues, hier, près des arènes d'Aire-sur-l'Adour une fois la corrida terminée, les nouvelles se faisaient de plus en plus inquiétantes. Aucune envie de penser au pire, mais au fond de soi un cri strident. Ne pars pas Iván.
Torero, un mode de vie. L'année 2016 fut déjà endeuillée. Une profession où vie et carrière sont reliées, et peuvent s'arrêter au même instant. Hier, Iván a été cueilli et ne reviendra pas. Cigarettes et nuit blanche.
Cette issue, en tant qu'aficionado, c'est ce que l'on redoute le plus en se rendant aux arènes.
L'humain d'abord. Car le contraire serait effrayant.
J'ai repensé, dans cette longue nuit, à ce que Jacques Durand avait écrit à propos de la disparition de Christian Montcouquiol "Nimeño II" en 1991. L'écrivain avait cité Chateaubriand, et la phrase suivante : "sa mort l'a laissé en possession de sa force".

Christian Montcouquiol avait 37 ans. L'âge qu'allait avoir Iván Fandiño dans quelques mois à peine. Les aficionados, désormais, restent maîtres de sa mémoire, de ce qu'il a incarné, sa force basque, sa générosité en tant que torero de vérité. Et ce courage, cette détermination, qui au-delà de l'arène sont de véritables leçons de vie. Pour chercher de quoi éclairer les moments durs et les nuits. La nuit, la sienne est arrivée bien trop tôt. On a perdu bien plus qu'un torero. Iván Fandiño est parti et il nous manque.



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