Des appartements squattés, une bagarre, de l'essence... L'hypothèse criminelle était avancée dimanche par des rescapés comme origine possible de l'incendie qui a fait trois morts et une dizaine de blessés dont quatre graves samedi soir dans un immeuble d'Aubervilliers.
La directeur de cabinet de la mairie, Mickael Dahan, évoquait lui-même ces témoignages qui, au soir même du sinistre, ont parlé d'un "incendie par essence". Ou, selon un habitant interrogé par l'AFP dans la nuit, d'un "cocktail molotov".
"On est au stade de l'enquête et de la recherche, il faut attendre les conclusions", tempérait Jean-Marc Sénateur, directeur de cabinet du préfet de Seine-Saint-Denis.
"J'ai vu une grande flaque... Je pensais que c'était de l'eau, mais en m'approchant, j'ai été saisi d'une odeur, en fait c'était de l'alcool à brûler", raconte dimanche après-midi Djamal Zerguit, qui résidait au 3e étage, d'où le feu est semble-t-il parti.
"On a entendu des bruits, mais comme ils ont toujours l'habitude de se bagarrer, je n'ai pas fait trop attention", poursuit ce père de famille qui, comme une trentaine d'autres rescapés, était provisoirement hébergé dans un gymnase du quartier, avec sa femme et ses deux jeunes enfants. Selon lui, sur 36 appartements que comptait cet immeuble datant des années 1920, au moins quinze étaient occupés par des squatteurs. Ensuite, continue-t-il, "j'ai senti une odeur de brûlé, et j'ai vu de la fumée".
Là, il a eu les bons réflexes qui, selon les pompiers, ont évité un bilan qui aurait pu être encore bien plus lourd.
"J'ai bouché la porte avec une serviette mouillée, j'ai habillé rapidement les enfants. J'ai regardé à travers la fenêtre, j'ai vu quelqu'un qui était par terre,
c'était une torche humaine. Et les autres se sont défenestrés", raconte-t-il. "J'ai vu ma vie défiler".
Pendant que les pompiers évacuaient certains locataires avec des échelles, lui et sa famille ont vu débouler dans leur appartement "deux personnes avec une lampe torche à la tête, comme dans un film". C'étaient les sapeurs-pompiers de Paris, qui avaient défoncé la porte et ont évacué Djamal et sa famille par l'escalier. Pendant qu'il raconte leur histoire, sa femme est prise d'un malaise.
Dans le gymnase, des tentes ont été installées, donnant aux familles réfugiées là un peu d'intimité. Il y a des lits de camp, des duvets, décrit Clément Hervieu, un responsable de la Croix rouge départementale. Selon lui, 36 personnes, membres de 25 familles, y sont momentanément hébergées.
Une soixantaine de personnes se trouvaient dans l'immeuble au moment de l'incendie. Il s'agit essentiellement de familles d'immigrés, "des gens qui sont arrivés dans la foulée des révolutions arabes", a précisé le directeur de cabinet du maire.
Le bilan du sinistre s'établissait dimanche à trois morts, quatre blessés graves, cinq blessés légers et dix personnes intoxiquées. Selon le préfet de Seine-Saint-Denis, Christian Lambert, le pronostic vital restait engagé pour deux des blessés graves.
Il était prévu que les locataires puissent retourner dans l'immeuble dimanche en fin d'après-midi, sous escorte policière, pour y récupérer des vêtements ou des médicaments.
Parallèlement, la brigade criminelle poursuit son enquête.
Laurence Barbry et Daniel Petitcuenot ont recueilli des témoignages des victimes :