Des oeuvres d'art jusqu'à 80.000 euros, des bouteilles de Petrus, de Romanée-Conti et un costume de groom: à partir de lundi, le mythique hôtel parisien Le Lutetia, qui a fermé mi-avril pour rénovation, vend plus de 3.000 pièces de mobilier et 8.000 bouteilles de vin.
La vente s'étalera sur une semaine dans le salon central de l'hôtel, le salon Saint-Germain, où personnalités et anonymes venaient il y a quelques jours encore s'imprégner de "l'âme du Lutetia", ce grand hôtel de la rive gauche, où séjournèrent artistes et intellectuels.
Les enchères démarreront lundi 19 mai au soir avec des oeuvres d'art et des pièces de design, créées dans et pour l'hôtel. Les oeuvres de l'artiste Arman, dont la plus grande suite de l'hôtel porte le nom, font partie des plus chères. Un canapé et un fauteuil composés d'une accumulation d'étuis de musique sont estimés entre 40.000 et 60.000 euros; la peinture "Shooting color" atteint 80.000 euros.
Les amateurs des frères Campana pourront craquer pour une tête de lit en laine (2.000 à 3.000 euros), assortie à la moquette de la suite, qui est d'ailleurs aussi en vente. Des oeuvres des sculpteurs César, Takis, Philippe Hiquily passeront également sous le marteau. Le mobilier de l'hôtel, à dominante art déco, sera dispersé ainsi que 8.000 bouteilles de vin et spiritueux. Un Petrus de 1990 est estimé entre 2.200 et 2.400 euros. Les prix devraient s'envoler pour une bouteille de Romanée-Conti de 1989 (entre 6.000 et 7.000 euros).
Les acheteurs en quête de souvenirs plus modestes n'ont pas été oubliés. Un cendrier en porcelaine, sur lequel Sonia Rykiel a dessiné l'hôtel, est estimé entre 50 et 80 euros. Des paires de beurrier, des plats, salières et poivrières (etc) sont également en vente.
Une vente très affective
"On aurait pu grouper ces lots, mais on les a volontairement séparés" afin qu'ils restent accessibles, explique le commissaire-priseur Pierre Guilhem Metayer. Mais même pour ces objets, les prix pourraient monter rapidement. "Nous espérons que la ferveur des Parisiens fera dépasser nos estimations, qui sont assez prudentes", confie d'ailleurs le commissaire-priseur. Le montant total de la vente est estimée entre 1,5 et 2 millions d'euros. "On ne maîtrise pas le caractère affectif de cette vente, ce qui fait qu'on achète
une assiette pour avoir un souvenir ou un fauteuil qu'on a occupé il y a 20 ans". L'objectif est de faire mieux que la vente du Crillon, qui, en avril 2013, avait rapporté près de 6 millions d'euros. Les prix avaient grimpé très haut, trop haut pour de nombreuses personnes qui voulaient garder un souvenir de l'hôtel de la place de la Concorde.
L'histoire du Lutetia, qui a ouvert ses portes en 1910, devrait également contribuer à faire monter les enchères. L'hôtel, situé près de Saint-Germain-des-Prés, abrita les services de renseignement allemands sous l'Occupation avant d'accueillir les déportés de retour des camps à la Libération. En 1968, Albert Cohen y écrivitt son chef d'oeuvre "Belle du seigneur". Le général de Gaulle y aurait passé sa nuit de noces. Et récemment encore: en novembre dernier, un couple de 86 ans s'y est suicidé, après y avoir passé sa dernière nuit. Etendus sur le lit, ils se tenaient la main quand ils ont été découverts par la police.
Pas de doute, l'exposition, du jeudi 15 au dimanche 18 mai, attirera de nombreux curieux dans les pièces de réception et les suites du grand hôtel, dont une page se tourne. "Monsieur Jean", concierge depuis 1970, assistera à la vente avant de partir à la retraite. Même son comptoir est à vendre.