Une étude menée par deux associations révèle que Paris fait partie des villes les plus touchées par le TFA, une molécule présente dans certains pesticides. Les TFA font partie des PFAS qui sont très difficiles à filtrer.
Largement utilisés dans l'industrie et l'agriculture, les PFAS (pour substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées), se retrouvent désormais dans les cours d'eau, et donc, dans l'eau du robinet.
Une étude réalisée par l'UFC-Que Choisir et l'ONG environnementale Générations Futures a décelé l'un de ces PFAS, le TFA, (acide trifluoroacétique) dans l'eau de 24 communes sur 30. Il dépasse à lui seul, dans 20 communes, la norme référence en Europe de 100 nanogrammes par litre pour les vingt PFAS réglementés, qui doit entrer en vigueur en 2026.
Et à Paris, où le test a été effectué dans le Xe arrondissement, le taux arrive au second rang en matière de concentration, avec 6 200 ng/l.
Effets sur la santé
"Le TFA est un PFAS qui représente plus de 90 % de la présence des PFAS dans l'eau du robinet", relève François Veillerette, porte-parole de Générations Futures.
Ce dernier indique que : "les PFAS sont une famille nombreuse. Il y a plus de 4 000 composés. Pour la majorité, on ne sait pas grand-chose pour la santé. Mais pour un certain nombre d'entre eux, on a déjà certaines données. Le TFA a des effets sur le foie, et est toxique pour la reproduction. L'Allemagne l'a d'ailleurs classé comme dangereux."
Cette enquête "est absolument nécessaire pour révéler la contamination généralisée de notre environnement par les PFAS", a estimé auprès de l'AFP Dan Lert, président de la régie Eau de Paris, qui a réclamé "l'interdiction pure et simple de ces PFAS".
"Sur les 20 PFAS qui seront intégrés à partir du 1er janvier 2026 aux contrôles sanitaires, il n'y a aucun sujet d'inquiétude pour Eau de Paris", a-t-il ajouté, indiquant attendre, pour le TFA, "l'évaluation des seuils de toxicité" par l'Anses. (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail).
Des dépassements relevés en Île-de-France
L'ARS Île-de-France, (Agence régionale de santé) qui n'a pas répondu à nos sollicitations, a publié un communiqué fin décembre 2024. Elle y déclare qu'elle "a décidé d’anticiper cette obligation en procédant à une campagne exploratoire sur l’ensemble de la région francilienne sur l’année 2024".
Ainsi, selon l'agence, "en 2024, plus de 1200 analyses ont été réalisées sur 395 installations franciliennes. Quatre situations de dépassement de la limite de qualité ont été relevées en Seine-et-Marne et dans les Yvelines."
Elle ajoute que "l’ARS IDF a immédiatement pris l’attache des collectivités concernées afin de les informer de la situation et les accompagner ainsi que leur délégataire dans la recherche d’une solution d’amélioration de la qualité de l’eau. Ces situations sont aujourd’hui maîtrisées, avec des valeurs relevées inférieures à la limite de qualité pour trois d’entre elles et en voie d’amélioration pour la quatrième".
Impossible pourtant de savoir quelles sont les collectivités pointées par l'ARS et qui sont concernées par ces dépassements de taux.
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L'eau en bouteille, une solution ?
Peut-on continuer à boire de l'eau du robinet ? Oui, selon François Veillerette, porte-parole de Générations Futures. "Quelle est l'alternative ? L'eau en bouteille produit des déchets et contient, on l'a vu récemment, des nanoplastiques, et possiblement des pesticides. Et on sait qu'elle peut aussi contenir des PFAS", indique-t-il.
En Île-de-France, le principal syndicat de traitement des eaux, le Sedif, va mettre en place un nouveau processus de filtration des eaux dans son usine de Mery-sur-Oise (Val-d'Oise) : des membranes d’Osmose Inverse Basse Pression. Cette technique permettrait de filtrer 95% des TFA (contre 65% pour la technique de nanofiltration, déjà en place). Les deux autres usines de traitement des eaux du Sedif, situées à Neuilly-sur-Marne et Choisy-le-Roi, vont aussi être dotées de cette technologie. Les travaux sont faramineux, tout comme la note : leur mise en service est prévue en 2032 pour un coût avoisinant le milliard d'euros.
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"Mais on ne peut pas généraliser ça sur l'ensemble du territoire, ça coûterait des dizaines et dizaines de milliards d'euros. Et surtout, cela ne résoudra pas le problème, parce que les PFAS ne vont certes pas passer dans le réseau de distribution, mais vont être rejetés dans la rivière. Donc plusieurs kilomètres plus loin, en aval, on va pomper cette eau avec des PFAS. La seule solution est la sortie des PFAS", argue-t-il.
Une proposition de loi, visant à restreindre la fabrication et la vente des PFAS, adoptée en première lecture au printemps 2024 par les députés, doit à nouveau être soumise au vote des parlementaires le 20 février prochain.
Au niveau européen, un projet de restriction est également à l'étude.