Les buralistes manifestent aujourd'hui dans le 18ème arrondissement, avant de se rendre devant l'Assemblée nationale. Ils demandent un moratoire sur la hausse des paquets de cigarettes et plus de contrôles sur les ventes à la sauvette, qui pourraient représenter la moitié du marché d'ici à la fin de l'année.
« Des fois, ils viennent même sur la terrasse et ne se gênent pas pour vendre leurs paquets de cigarettes. Ils sont souvent là avant l’ouverture du café. » Joseph Yabas, buraliste porte de Clignancourt dans le nord de Paris, est excédé devant cette concurrence déloyale, et surtout illégale. « Ils sont parfois 4, des fois 10 ou 15, mais il y a tout le temps des vendeurs. C’est pas le problème du manque de policier. Parfois, ils passent. Mais c’est le problème des sanctions. Il n’y a plus de justice. »
C’est dans cet arrondissement particulièrement touché par les vendeurs de tabac de contrebande que les buralistes se sont réunis ce lundi midi pour dénoncer la hausse des ventes illégales de tabac à la sauvette. Une manifestation était organisée rue Marx Dormoy, ainsi que dans plusieurs villes françaises ce jour-ci, à l’appel d’une quarantaine de fédérations départementales. Le cortège s'est ensuite rendu devant l’Assemblée Nationale.
Avec 80 % de taxes, le paquet de cigarette est vendu en moyenne 13 euros aujourd’hui, alors que le consommateur peut le toucher facilement autour de 6 euros dans la rue. Une concurrence illégale doublée d’une concurrence légale entre pays européens, où les taxes ne sont pas aussi élevées, et face auxquelles la profession ne peut pas lutter.
Le tabac représente encore près de la moitié du chiffre d'affaires de Joseph Yabas. Mais depuis 2023, ses ventes auraient chuté d’un tiers chaque année, l’obligeant à se séparer de ses employés. De 16 personnes, le café tourne désormais à 10. Cette baisse des ventes serait généralisée dans la profession, au profit de la vente illégale.
Une augmentation inefficace
« Notre réseau va mal, car il y a une baisse de fréquentation. On le ressent fortement », explique Ouahmed Hami, délégué de la Fédération pour l’Île-de-France. Selon le représentant de la profession, les ventes de tabac illégales représenteraient à présent 40 % du marché, et potentiellement 50 % d'ici à la fin de l’année. Les consommateurs seraient poussés à s’approvisionner sur ce marché illégal, mais où les produits ne sont pas contrôlés, donc potentiellement plus dangereux.
« On a poussé les consommateurs à aller s’approvisionner autrement, car c’est devenu trop cher pour eux. En France, le principe est que le tabac est un monopole d’État. Aujourd’hui, on n’a plus le monopole. Donc on a perdu la santé, on a perdu les taxes et on a perdu l’ordre public. »
Le gouvernement affiche une volonté louable : augmenter les prix pour réduire la consommation. Mais cette stratégie est vivement critiquée par la profession, qui craint même qu’elle ait un impact sur la sécurité des buralistes, devenus la cible des cambrioleurs. Les produits des braquages étant ensuite revendus dans la rue ou dans des épiceries de nuit.
Pour la profession, la réponse réside dans la baisse des prix du tabac ou au moins un moratoire, le contrôle renforcé aux frontières, la lutte contre la vente sur internet et des sanctions fermes contre les trafiquants.
Avec Denis Tanchereau