"On ne s'attendait pas du tout à les trouver dans Paris parce qu'elles sont menacées !", des moules d'eau douce que l'on croyait disparues, identifiées dans la Seine

L'Anodonte comprimé, la mulette épaisse, la mulette des rivières. Ce sont trois espèces de moules d’eau douce en voie d'extinction qui ont été identifiées dans la Seine. Une bonne nouvelle pour l'écosystème et la qualité de l'eau.

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"On a été super surpris de la retrouver dans Paris. On la croyait disparue ! " L'été dernier, à l'occasion de prélèvements d'eau pour une recherche en ADN environnemental, les techniciens d'un laboratoire spécialisé dans le suivi de la biodiversité aquatique et terrestre ont détecté la présence inattendue d'une espèce de moules d'eau douce dans des bras de Seine au cœur de Paris. Aux abords surtout de l'Île de la Cité et de ÎIe Saint-Louis.

Sur le lit du fleuve ont été identifiées, non pas une, mais trois espèces classées en danger d’extinction par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature : l’Anodonte comprimé, la mulette épaisse relativement commune sur le bassin-versant du fleuve et surtout, la mulette des rivières.

"Tous les organismes perdent des cellules de peau en permanence et nous, on récupère l'ADN de ces cellules dans l'environnement. On filtre de l'eau et on séquence. Ça nous donne potentiellement la liste de tout ce qui vit. Et c'est là ce qui c'est intéressant, c'est qu'on ne s'attendait pas du tout à les trouver dans Paris parce qu'elles sont menacées", se félicite Vincent Prié, hydrobiologiste spécialiste des moules d'eau douce du laboratoire Sygen.

La mulette des rivières par exemple avait été détectée en 2017 au-dessus de Troyes dans l'Aube mais "était considérée comme disparue du bassin de la Seine, il y a une dizaine d’années". "On avait plein de données de coquilles d'une présence ancienne, mais pas sur une population vivante" (... ) On a une vraie population, plusieurs dizaines sur lit de la Seine", explique l'hydrobiologiste.

La taille des points jaune où se sont déroulés les prélevement indique la proportion de mulettes identifiées. © Vincent Prié

De "véritables bio-indicateurs" de la qualité de l'eau

Les moules d’eau douce agissent comme de "véritables bio-indicateurs" de la qualité de l'eau. Mais affirmer que la "réapparition" de la mulette des rivières est due aux efforts entrepris pour l'amélioration de la qualité de la Seine, n'est scientifiquement pas prouvée, précise Vincent Prié. "C'est un peu un raccourci. Honnêtement, scientifiquement, on n'en sait rien. On ne peut pas dire qu'elle a réapparu ou si elle a été toujours été là ! Il est aussi tout à fait possible qu’elle soit réapparue dans Paris à partir de populations qu'on ne connaît pas ailleurs sur le bassin de la Seine."

Quoi qu’il en soit, l'amélioration de milieu aquatique contribue au développement de ces espèces "extrêmement sensibles à la qualité de l’eau". "Dans la mesure où elle se reproduit dans un milieu qui est restauré, ce faisant, elle va jouer son rôle écologique, un rôle fonctionnel. En filtrant de l'eau jusqu’à 40 litres par jour, elle contribue l'épuration naturelle du fleuve", souligne Vincent Prié.

La mulette épaisse, espèce protégée © Vincent Prié

L'hydrobiologiste Vincent Prié ne dispose pas de données pour évaluer précisément la population et la répartition de ces trois espèces dans la Seine. Leur développement dépend de la présence et la prolifération des poissons.

"Les moules émettent une petite larve. Libérée dans l'eau, cette larve parasite un poisson. Elle va s'accrocher dans ses branchies. Ça va faire un petit kyste et pendant tout le temps de la métamorphose, c’est-à-dire quelques semaines, le poisson va se déplacer un peu partout dans le bassin-versant de la Seine. Le bébé moule qui va faire moins d'un millimètre tombe là où se trouve le poisson et c'est ainsi que la moule va se disperser et coloniser de nouveaux milieux", explique-t-il.

Une nouvelle encourageante pour l'écosystème

La moule d'eau douce n'a pas fait cet été sa "réapparition" soudaine à Paris. Une de ses cousines colonise depuis de nombreuses années, les canaux de la capitale : celui de l'Ourq ,de Saint-Denis, du canal Saint-Martin. Ainsi peut-on apercevoir dans leurs eaux, l'Unio Pictorum, surnommé la mulette des peintres, appelée ainsi parce que les artistes se servaient de leurs coquilles pour mélanger les couleurs.

Selon la Fédération interdépartementale pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique de Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, la redécouverte de trois autres espèces que l'on pensait disparues dans la capitale est plutôt une nouvelle encourageante pour l'écosystème.

"Il y a des espèces comme le Bouvière, un petit poisson de 6 cm qui pond exclusivement dans les moules et quand il n'y a plus de moules, il n'y a plus de Bouvieres", explique Adrien Aries, chargé de mission à la Fédération. "Il y a aussi des poissons qui consomment des mollusques comme la carpe ou encore les petits silures. Ça peut profiter à certaines espèces, que ce soit pour l'alimentation ou la reproduction", ajoute-t-il.

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