Des photos, des vidéos, une bande son des 3 scènes de crime, celle du Stade de France, du Bataclan, des terrasses parisiennes seront présentées à l'audience dès aujourd'hui et pendant 3 jours. Un moment particulièrement douloureux pour les parties civiles.
Jean-Louis Périès, le président de la cour d'assises spéciale a prévenu les victimes. Dès aujourd’hui et jusqu’à lundi, des photos, des vidéos et les constatations des scènes des crimes seront visionnées à l’audience. A commencer par celles du Stade de France, puis celles du Bataclan et enfin celles des terrasses parisiennes lundi prochain. Une bande son enregistrée sur le dictaphone d'un technicien à l’intérieur de la salle de concert a été versée à l'enquête. Les 30 premières secondes seront diffusées. Les parties civiles appréhendent la diffusion de ces documents audiovisuels.
Une épreuve nécessaire
Philippe Duperron a perdu son fils, Thomas, décédé au Bataclan. Il estime ces temps de visionnage et d'écoute nécessaires pour les victimes et leurs proches mais aussi pour les accusés.
Nous entendrons là les derniers instants, ce qu'eux-mêmes ont entendu immédiatement avant de perdre la vie
"Cette vérité-là, elle doit être entendue d’une part par les accusés, ils doivent entendre et voir aussi ces images, entendre ces bruits de fusillades sur les terrasses, à l’intérieur de la salle. Ça peut contribuer aussi à leur faire prendre conscience de la violence et de l’inhumanité de ce qu’ils ont fait", affirme-t-il.
Rendre hommage aux disparus
"On sait tous ce qui s’est passé, on a tous lu, on a tous écouté, entendu, etc... Mais là on sera vraiment dans la fusillade, qu’on n’a pas pu empêcher, on n’a pas pu protéger nos proches, mais on se doit pour leur mémoire et en hommage à eux au-moins d’être présents", assure Dominique Kielemoes, partie civile et vice-présidente de l'association 13onze15 Fraternité et Vérité.
Ce sont les derniers moments que nos proches auront vécu, les derniers instants de vie
Son fils Victor Muñoz a été tué à la terrasse de la Belle Equipe. "Ce sont les derniers moments que nos proches auront vécus, les derniers instants de vie. Je n'imagine pas être là pour entendre la fusillade de la Belle Equipe", ajoute-t-elle.
"Pour nous, les parents et pour ceux qui étaient dans la salle, pour les parents d’enfants décédés comme c’est notre cas, le fait que nous entendrons là un peu les derniers instants, ce que eux-mêmes ont entendu immédiatement avant de perdre la vie. C’est aussi d’une certaine manière se trouver un peu en communion avec eux", témoigne Philippe Duperron.
Des images et des sons insurmontables pour certains
Pour d’autres, comme Gaëtan Honoré, rescapé du Bataclan, impossible de regarder ces documents. Il n’assistera pas à l'audience consacrée à l'écoute de l'enregistrement le soir du concert.
"Je ne serai pas là vendredi. Pour moi c’est à des années-lumière de ce que je peux faire actuellement. C’est impossible de pouvoir même regarder une vidéo sur le début du concert comme celles qui tournent. Pour moi ce n’est pas possible, en termes d’images… Je ne suis jamais retourné au Bataclan. Je ne peux vraiment pas concevoir ça à titre personnel, de pouvoir revoir toutes ces images."
Les cris, je les ai encore dans ma mémoire.
Thierry était au Bataclan le 13 novembre. Il est resté enfermé dans la loge du groupe de première partie avec 30 autres personnes. Silencieusement, ils ont entendu les tirs et les cris. Il appréhende de voir et réentendre car "je l’ai vécu. Les cris je les ai encore dans ma mémoire", affirme-t-il. Et de poursuivre : "Je vais assister quand même. Voir si j’ai la force de rester jusqu’au bout. Je ne m’y suis pas préparé psychologiquement. J’ai appris cela hier. J’ai digéré cette information cette nuit. J’appréhende oui".
Réactiver des traumatismes
Carole Damiani, directrice de l'association Paris Aide aux Victimes et docteure en psychologie sait que ces trois jours d'audience vont être douloureux pour les parties civiles. Elle n'est pas favorable à ces visionnages.
"Pour les victimes avec lesquelles nous sommes en contact, nous avons prévenu qu’il était préférable de ne pas regarder ces photos, de ne pas écouter ces sons qui peuvent être très déstabilisants, qui peuvent être aussi des réactivateurs de traumatismes ou de deuil. Ceci dit, nous ne pourrons pas empêcher ceux qui le veulent d’être là, en revanche nous serons présents auprès d’eux de façon à mieux les aider à porter ce qu’ils verront", affirme-t-elle.
Douze psychologues de l'association Paris Aide aux Victimes accompagneront les parties civiles lors de la diffusion de ces documents.